Un nouvel extrait de WHEN FEAR FALLS AWAY – QUAND LA PEUR S’EN VA – de Jan FRAZIER.
Imagine une vie sans souffrance. Non pas que de mauvaises choses aient cessé de se produire dans le monde ou dans ta vie personnelle. Mais parce que ta façon de les voir a changé. Ainsi que ton interprétation de toi-même. La fin de la souffrance finit par arriver quand tu trouves ton chemin vers la douceur ancienne qui ne t’avait jamais quitté, qui est l’essence de chaque être humain. Cette essence n’a jamais connu l’enflure de l’orgueil ni l’emprise de la peur. Elle ne s’est jamais sentie solitaire ou ambitieuse. Quand le sentiment familier de qui tu es s’est adouci et est devenu lumière, quand on lui permet de s’affaisser, ce qui demeure est une mare de pur délice. Tu ne demandes plus les choses de ta vie. Chaque moment est satisfaisant comme il est. La vie vécue avec cette prise de conscience est le Ciel sur terre. C’est la nature humaine qui a eu la permission de devenir une fleur épanouie.
Imagine ceci : tout ce qui pesait si lourd sur toi soudainement ne pèse plus du tout. Il peut encore être là, un fait dans ta vie, mais il n’a plus de poids ni d’importance. Tout ce qui t’a déjà troublé n’est maintenant qu’une particularité dans le paysage, comme un arbre, un nuage qui passe. Chaque élément de trouble émotionnel et mental a cessé : le fardeau entier, une certaine forme qui avait été avec toi aussi longtemps que tu puisses te rappeler. Une chose familière comme ton ami le plus proche — faisant autant partie de toi que le langage que tu parles, la couleur de ta peau – est complètement, inexplicablement partie.
Dans le vide surprenant coule une joie tranquille qui te soutient matin, midi et soir, qui va partout où tu vas, en toutes sortes de circonstances, et même dans le sommeil. Tout ce que tu entreprends se produit sans effort. Tu es heureux, mais pour aucune raison. Rien ne te dérange. Tu ne ressens aucune tension. Lorsqu’un problème survient, tu sais quoi faire, tu le fais, et ensuite tu le laisses aller. . . Parce que ton équanimité est déconnectée de tout dans ta vie extérieure, tu sais bien que la paix se maintiendra pour le reste de ta vie, quel que soit le défi qui te soit présenté.
Une personne éveillée possède une capacité d’amusement et de plaisir qui dépasse grandement ce qui était possible auparavant. Avant, quand l’esprit était tellement responsable du monde intérieur, quand la culpabilité, l’ordre du jour et les inquiétudes tenaient tout sous leur influence, jour par jour, heure par heure, même durant les heures de sommeil, il était rarement possible de céder complètement aux délices pour très longtemps. Se réjouir pour la joie de le faire. Rire à gorge déployée, être enfant de nouveau, sans conscience de soi, sans retenue. Faire l’amour, se faire faire l’amour, avec abandon, sans peur de vulnérabilité, ni de risque. Aimer manger, boire, danser, un livre que tu dévores tard dans la nuit. S’éveiller dans le grand luxe, le plaisir de réassembler la conscience dans une véritable personne.
À un certain moment, cela va naître à ton esprit, tu es libre, et l’a toujours été. Radicalement libre. Tu vas réaliser que tu n’as jamais eu besoin d’essayer si fort – ou bien pour t’éveiller spirituellement – ou pour faire arriver les choses dans ta vie régulière. Tu vas réaliser que tout le long tu possédais ce que tu voulais. Tu étais déjà cela. Un moment viendra que tu réaliseras qu’après tout, il n’y a pas de problème. Tu remarqueras que l’impulsion de résister t’a quitté. Les choses sont seulement comme elles sont. C’est bizarrement paisible, bien qu’à l’extérieur les choses sont pas mal comme elles l’ont toujours été. C’est qu’elles ne semblent plus être tellement à ton sujet – même celles qui affectent directement ta vie. Le sentiment de qui tu es et ce que signifie ta vie s’est ouvert, s’est adouci.
Beaucoup de ce qui avant était important ne te captive plus. Tu te déplaces à travers les choses (toutes les choses) avec une aisance joyeuse. Tu peux ressentir combien la lutte, le besoin de faire arriver quelque chose – une vie complète d’effort – t’a drainé entièrement. Les enfants connaissent cet état et ensuite l’oubli se produit. Les grandes personnes pour la plupart ont oublié l’avoir déjà su. Quelques-uns en ont quelque souvenir, comme un goût qui demeure d’une douceur présente depuis bien longtemps, au bref passage d’un chant qu’ils savent reconnaître mais peuvent à peine chanter. Ils se questionnent au sujet de sa source, comment retrouver encore leur route vers l’origine de cette chose inexprimable. Ils peuvent penser l’avoir déjà possédé, mais ensuite l’avoir perdue. Ou ils peuvent penser l’avoir imaginée, avoir tout rêvé pour se donner un certain confort, un répit du quotidien, du difficile. Mais non, ce n’est pas tout à fait ce qui se passe. Ils ne l’ont pas rêvé. C’est réel. C’est la chose la plus réelle qui soit. Et elle n’est pas partie.
Qu’est-ce que vivre au paradis, dans une peau humaine? C’est de sentir chaque moment de l’existence comme vivant, conscient de l’être pur. C’est ce qui est toujours primordial, et non ce que le moment possède. Pas le contenu de la vie, mais le contenant. La sensation seulement d’être. C’est agréable de façon exquise. Quoiqu’il arrive dans la vie est seulement là. Les choses ne soulèvent pas d’idées à leur sujet, d’opinions ou de préférences. Cela ne se produit plus de cette manière dorénavant. La pulsion d’approuver ou de désapprouver s’est brisée. Il y a trop de lumière pour qu’elle existe. C’est comme si toutes les anciennes idées à propos de ce que tu es ou ce qu’est ta vie (ou de ce que tu voulais qu’elle soit) ont perdu intérêt en elles-mêmes. Rien ne « signifie » rien. Chaque chose est seulement elle-même. Et alors le moment passe et un autre arrive. Quand c’est terminé, c’est réellement terminé. L’esprit ne fonctionne plus automatiquement. Il est comme un chien obéissant. Il répond quand tu lui demandes. Sans une demande de ta part, il ne fera rien de lui-même.
Imagine mettre de côté tout sens accumulé de ce que tu es, qui tu as été toute ta vie jusqu’à maintenant ; et imagine un esprit tranquille (du matin au soir, calme, jusqu’à ce que tu lui demandes de faire quelque chose pour toi) – si tu imagines ces deux choses, un esprit avec aucun besoin de bouger, et le sens de toi-même et de ton entière histoire soufflant dans le vent comme des peluches d’asclépiade — et si tu imagines encore un peu plus, tu es encore très bien ici, bien vivant et conscient physiquement (imagine, imagine) – et bien, il n'y a aucun cadeau que tu ne puisses jamais manquer. Tu es devenu le cadeau, tu es pure attention. Plus jamais pris au piège par l'idée, la mémoire ou l'espoir. Seulement ici, étrangement éveillé. Tu ne résistes plus à rien. Tout ce qui arrive est autorisé et salué et tu n'as pas plus mal. (Quand tu ne résistes pas, tu n'as pas mal.)
Tu remarques que le vieillissement se produit. Les gens que tu aimes sont en difficulté. Le monde est un gâchis. Tu es tout à fait conscient de tout cela, peut-être plus que tu l’étais auparavant, quand la peur t’entretenait. Tu peux tout prendre. Tout est tendresse. Ton cœur est grand et ne peut être endommagé. Nous avons oublié pourquoi il était si important de pardonner ou d’être pardonné. Pourquoi nous voulions avoir raison. Tu ne peux plus te rappeler pourquoi tu voulais tellement exister, et tu as finalement compris être au bout de la chaîne de réception d’amour. Tu as de la difficulté à te rappeler ce que semblait avoir peur de la mort, de s’en faire quand un policier nous arrête.
Quand tu poses ta tête sur ton oreiller dans ta chambre sombre, il n’y a rien là qui murmure. Aucun retour sur la journée, sur la vie ; aucune anticipation pour le lendemain (lequel tu sais prendra bien soin de lui-même quand il arrivera). Tout ce que tu connais à cet instant même est la sensation de la taie d’oreiller sur ta joue. Tout ce que tu connais est le silence de la chambre, les bruits extérieurs, si tu es près d’une autoroute.
Comme une pierre qui tombe au fond d’un étang, tu tombes dans un sommeil profond. Si quelque chose t’éveille au milieu de la nuit, tu ne jures pas pour avoir été tiré du sommeil. Tu ne commences pas à penser. Tout ce que tu connais est bien-aimé, bien-aimé, bien-aimé. Tout est bien-aimé. Il est plus facile de décrire ce qui est absent du paradis (tourment mental et émotionnel, résistance, effort) que de dépeindre ce qui est présent. Ce que nous ressentons est la sensation douce, ordinaire et constante de vie, de joie, de chérir. Il se trouve un fort sentiment de chérir : soi-même, l’autre, la vie tout ce qui est. C’est tellement reposant. Tout a la permission d’être tel qu’il est. Tout est suffisant. Chaque moment est le monde entier.
Jan FRAZIER
Traduction libre par Stella PILON
Merci à elle pour ce partage