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  • : l'éveil spirituel sous l'angle non-duel d'un Cours en miracles. DATE DE CREATION: 01/01/07 ________________________ contact: christalain.1000@wanadoo.fr ________________________ Ecrivez-moi pour tout commentaire, suggestion, encouragement. merci.
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Un cours en miracles


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A bientot !  
Christalain

 

"La connaisance qui illumine ne te rend pas seulement libre, elle te montre aussi clairement que tu es libre" . UCEM

 

Bienvenue sur Axialmedia, blog dédié à l'éveil  dans l'esprit non-duel d'Un Cours en miracle: radicale et sans concessions.  Pour tout commentaire général, toute question particulière, ou toute suggestion, toute critique ou tout encouragement, n'hésitez pas à m'écrire.   christalain.1000@orange.fr
     
       ***             
               
" Ne cherches pas à changer le monde, mais cherche à changer tes idées au sujet du monde" - Un Cours en miracles
 

 

Mise a jour le :


1er novembre 2016   

*  "Un Cours en miracles vu par S.Sobottka" 

 

17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 21:43

" Etre simplement" Questions et Réponses en quête du Soi, de Bernard.

 

Question N°8  - Le concept de la recherche spirituelle implique qu'il y a un chercheur d'une part et quelque chose de cherché d'autre part : il y a donc dualité. La recherche serait-elle  alors un obstacle à son propre aboutissement ? Faut-il arrêter de chercher pour expérimenter le Soi ?

 

Réponse : Il faut absolument comprendre, ou essayer d'avoir toujours un regard porté un peu plus loin que notre raisonnement intellectuel. Le raisonnement est indispensable, le besoin de comprendre également sinon, il n'y aurait pas de recherche... Toutefois, nous ne devons jamais oublier qu'il n'y a absolument rien à faire de particulier pour "expérimenter le SOI" puisqu' IL est toujours, à chaque instant, "Expérimenté". Comme il n'existe absolument rien "en dehors" du SOI et qu'il est toujours présent, c'est tout le reste (Monde, individus, états, pensées) qui fait l'objet d'une expérience particulière, jamais le SOI ! En réalité, on ne peut pas expérimenter le SOI parce que l'expérience n'existe que dans et à cause de la dualité "expérimentateur-expérimenté". C'est pour ces raisons que l'on dit que Connaître le SOI, c'est simplement ETRE le SOI. Mais la recherche est malgré tout indispensable bien sûr !

 

Ce qu'il faut bien définir, c'est le BUT de notre recherche : Que ou Qui cherchons nous ? Tant que nous sentons au plus profond de nous le besoin de comprendre le But de la vie, et de répondre aux questions que nous nous posons au sujet de notre condition d'être humain, de la finalité de la "création", il y a recherche et c'est la bonne voie. Il est indispensable de commencer par toutes ces questions et d'y apporter des réponses, celles-ci ne seront pas toujours les mêmes, elles vont évoluer lentement, proportionnellement à notre désir d'atteindre le But. Mais, encore une fois, ce sont nos cinq sens qui expérimentent la manifestation et les événements qui s'y déroulent. C'est pour cette raison que les Yogis (par exemple) font tant et tant d'exercices pour maîtriser leurs sens et en devenir finalement maîtres. Dans quel but ?Tout simplement d'aller au-delà. Aller au-delà des sens, maîtriser les sens : tout cela pour dire que lorsque les sens sont transcendés, tout ce qui va avec l'est également : c'est cela le travail pratique d'une recherche. Celui qui a maîtrisé les sens de l'ensemble corps-mental ne peut plus être identifié à l'individu parce qu'il n'y a plus possibilité d'expériences. Tout a été réabsorbé à la source et il ne reste plus que l'Être, c'est-à-dire l'Existence pure qui est non manifestée mais qui pourtant permet qu'il y ait manifestation, puisqu'elle est la base d'où tout provient et où en fait tout revient.

 

Pour en revenir au dernier élément de la question, on peut dire en effet que c'est quand la recherche prend fin que le SOI est simplement ce qu'il Est et qu'Il a toujours été : la pure conscience d'Être. Mais il ne faut surtout pas arrêter volontairement la recherche, au contraire, il faut se battre de toutes ses forces, de toute son Âme, avec la conviction que le BUT sera atteint. L'échec est impossible pour celui qui veut absolument y arriver ! La recherche s'arrêtera d'elle-même lorsque le mental, las de lutter rendra les armes ! Pendant des années, nous cherchons, sans trop savoir quoi, sachant qu'il y a quelque chose, en nous, au plus profond de nous, qui nous appelle, une vérité intérieure en quelque sorte. Alors nous partons à la recherche de cette Vérité avec son flot de questions inévitables. Au fil du temps, notre conception de la Vérité va changer totalement, les questions vont diminuer, le raisonnement ne fonctionnera plus comme avant, les doutes vont diminuer. En fait, à force de harceler le mental, de le forcer à se plier à notre volonté; à force d'efforts répétés pour devenir maître des sens, nous deviendrons libres, car ce que nous montre le monde, c'est que l'homme est esclave de ses sens ! Si nous parvenons à inverser ce processus, le plus gros du travail sera réalisé...

 

Bernard

 

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22 avril 2011 5 22 /04 /avril /2011 20:06

Entretien avec Éric Baret - Jean Bouchard d'Orval - Maison Raphaël - Paris, le 14 mai 1998

 

3ème et dernière partie: On ne peut pas faire autrement !

  

On aime ça, c'est soi-même. Quelque chose se passe. Ce n'est pas un acquis, ce n'est pas à vous. Une réaction surgit de nouveau et c'est également ça. Vous ne pouvez rien avoir dans la poche. Il n'y a rien à vendre. Ça s'appelle regarder, écouter, sentir, penser, quoi que ce soit, sauf dans notre histoire où il y a ceci et cela. On se rend compte du mécanisme, on aime ce mécanisme, parce que c'est nous-mêmes et c'est notre porte de sortie. On se rend compte de sa prétention à dire : " non, ça doit pas être comme ça, je devrais être comme ça. " Je devrais être sans peur. " Je " ne peut pas être sans peur ! Une personne n'est que la peur. On sent la peur, mais personne n'a peur. Il y a vibration, dilatation, chaleur, opacité, souplesse, élasticité, coloration, devant, en haut, derrière. Personne n'a peur ; il y a un ressenti. Vous sentez la peur, vous sentez la joie, vous sentez la tristesse, vous sentez l'agitation. Vous n'êtes pas l'agitation ; vous la sentez. Vous n'êtes pas la peur ; vous la sentez. Vous n'êtes pas votre genoux ; vous le sentez. Vous n'êtes pas votre voiture, votre compte en banque, votre peur non plus. Vous n'avez pas besoin de donner votre argent pour être libre de l'argent. Vous devez vous rendre compte qu'il n'est pas à vous.

 

Il n'y a rien dont on doive se débarrasser, surtout pas du corps ; c'est lui qui se débarrasse, au bon moment. Alors, ce qui est là, c'est l'essentiel. Ça se présente sous la forme du compte en banque, du divorce, du cancer, d'une naissance, d'une mort et de la compréhension d'une agitation. Mais vous n'avez plus la prétention de savoir ce qui devrait être là. Ce qui est là, c'est ce qui est là : c'est vous-même. Il n'y a pas d'espace pour bouger, il n'y a que mouvement. Ça, vous le voyez dans l'art : dans un grand danseur de Kata Kali, dans un musicien, dans une architecture, dans un poème, dans un enfant, dans un mourant, quand il n'y a pas d'histoire que les mourants ne devraient pas mourir, ou autre chose. C'est une résonance, ça ne se pense pas. Je ne le sait pas plus que vous, je le ressens exactement comme vous. Ce n'est pas à vous, ce n'est pas à moi. Il n'y a personne qui puisse le comprendre, le vivre. C'est ce qui fait que vous aimez la perception, que vous aimez un chat, que vous aimez un arbre : c'est parce que ce chat, cet arbre, c'est également cela. Vous vous aimez vous-même, dans ce qui se présente, pas dans ce qui devrait se présenter.

 

- Qu'est-ce qui peut faire qu'on ne perd pas le fil qui nous relie à l'essentiel ?

C'est une histoire. Vous cherchez demain plus de réaction, de dynamisme. Si vous étiez un sage, ça serait inacceptable de perdre la sagesse. Si vous étiez libre, ça serait inacceptable d'avoir une peur. Mais si vous n'avez pas d'histoire, il n'y a pas de demain : vous n'avez rien à garder, à défendre, à protéger. Vous n'avez pas une sagesse qui a peur de la peur, une sagesse qui a peur de l'histoire. Il n'y a rien, …surtout pas de sage. Ça il faut vraiment le comprendre, sinon ça va être demain. Je l'entends comme ça, ce n'est pas une vérité ; c'est à vous de voir comment ça résonne. C'est cette résonance qu'on a en unité. Ça ne peut pas aller de l'un à l'autre, car il n'y a qu'une résonance. Tout ce que vous sentez, c'est à vous : c'est toujours votre résonance, il n'y en n'a pas d'autre. Sauf dans une histoire. Mais il faut oublier cela, sinon c'est en train de devenir une belle histoire. Peut-être qu'au niveau des mots, ce qui a le plus approché cette résonance qu'on ressent tous c'est le Sermon des pauvres de Maître Eckhart. C'est également un texte de Baliani, mais surtout le Sermon des pauvres de Maître Eckhart, quand il parle de l'humilité. Mais il n'y a personne qui est humble. Il faut le comprendre. J'ai passé une fois un après-midi avec l'ancien conservateur du musée de Los Angeles dans la collection tibétaine, le docteur Pal, un Indien très sympathique. Nous discutions ensuite de différents objets de ces collections. Il m'a expliqué pendant une heure, avec de nombreux exemples à l'appui, combien il était humble, comme seul un Indien peut le faire…

 

Il ne faudrait pas avoir une nouvelle histoire, quand on formule ce qui est ici un jeu. Parfois, certaines personnes se sentent inconfortables, comme si on enlevait quoi que ce soit. Au contraire, quand vous pressentez qu'il n'y a rien à trouver dans la vie, tout est à votre disposition : vous pouvez devenir ce que vous voulez. Mais vous ne prétendez plus que c'est entre vos mains. Vous laissez la nature vous faire tortionnaire, vous faire boucher, vous faire sage, vous faire musicien ; vous dites merci. Alors là vous trouvez vraiment votre rôle dans la création. C'est une histoire aussi ; mais c'est vrai aussi. Il ne s'agit pas de rester sur une chaise et de ne pas bouger. Vous pouvez aussi courir très vite, brasser le monde, mordre et être mordu. C'est le jeu de la vie, mais vous ne vous cherchez pas là-dedans. C'est la vie qui vous amène où vous devez être. C'est toujours juste et vous le savez parce que c'est ce qui arrive. Il y a un sentiment de liberté.

 

C'est la prétention d'être indépendant qui amène cette oppression terrible de pouvoir se tromper : vous vous êtes trompé, on s'est trompé dans son passé. Cette impression de ne pas avoir été juste, de ne pas arriver à être juste maintenant, de penser ne pas être juste demain. Ça, ça vous quitte. Tout ce que vous avez fait a toujours été parfait et vous ne l'avez jamais fait. Ce sont des réactions chimiques : je vous mords le genou, votre jambe bouge. La bouche a mordu, personne n'a mordu. Personne n'a bougé, c'est une bouche et un genou. Vous n'êtes pas obligé de vous approprier cela. Il n'y a qu'un mouvement. Vous pouvez devenir empereur, un grand roi comme Janaka - ce qu'il a symbolisé - ou un balayeur. Vous ne devenez rien. Ce que vous êtes fait pour accomplir, ça va s'incarner. Maharaja était un homme très vulgaire, Krishna Menon était un homme très élégant. Chacun remplit son rôle. Un jour, on a demandé à Maharaja : " Cette vulgarité, cette agitation qu'on sent en vous… " Il a dit : " Oui, je suis d'une caste vulgaire, je suis agité, mais je suis libre de ça. Et vous qui êtes assis en méditation devant moi, vous êtes agité. Vous vous prenez pour la méditation. "

 

L'agitation apparaissait chez Maharaja. Moi je l'ai vu dix fois en train de menacer sa belle-fille, devenir rouge, presque écumer, l'insulter avec les mots les plus orduriers qu'aucun brahmane ne pouvait traduire sans déchoir de sa caste. Il était libre. Son corps et son psychisme insultaient sa belle-fille. Il y avait des gens assis devant lui en lotus, très calmes, mais ce n'est pas là qu'il y avait la liberté. Il n'avait rien à prétendre, il ne prétendait pas être un sage. Dans les livres, c'est arrangé. C'est une expression presque propre de parler autrement. C'était amélioré dans les livres : pas l'essentiel, la forme. On veut toujours se libérer de l'agitation : c'est ça l'agitation, c'est ça le manque de respect. On se rend compte ; on accepte en soi cette tendance de toujours vouloir, vouloir. Quand vous acceptez profondément cette tendance, rien ne se passe. Là il n'y a pas d'agitation, sauf quand elle se présente.

 

L'expression de Maharaja a fait beaucoup de bien. Je connaissais beaucoup d'élèves de mon maître, qui était un homme élégant, raffiné, cultivé, riche, beau, tranquille, qui s'habillait très bien, avec des chaussettes en soie, des pull-overs de très haut prix, qui avait deux Mercedes, un chalet en Suisse, trois appartements à Lausanne, la plus belle maison de Saint-Paul de Vence, qui connaissait admirablement la musique classique, le théâtre antique. Alors beaucoup de ses élèves se sont mis à se raffiner, à porter des chemises blanches, à aller au concert, à manger avec subtilité. Et puis certains ont eu la chance de rencontrer Maharaja : ça leur a fait beaucoup de bien ! Quelque chose s'est passé : ils n'ont plus essayé. Ceux qui était naturellement purs, sattviques, le sont restés. Ceux qui étaient naturellement agités le sont restés aussi. À ce moment-là une clarté peut se présenter. Mais quand on veut changer sa nature, changer ses composantes chimiques, être autrement que ce qu'on est, c'est une insulte à ce qui est au-delà de la nature.

 

C'est de se rendre compte en soi-même quand on essaie d'être sage, d'être libre, d'être ouvert, d'être disponible ; se rendre compte de sa prétention et l'accepter. Ça c'est la porte. Il n'y a pas de porteur. Quand vous invitez une troupe de Kata Kali pour un spectacle, souvent, pour qu'ils montent sur scène, il faut qu'il y ait une bouteille de whisky. Dans tous les cas, après le spectacle, il faut avoir de nombreuses bouteilles de whisky. Mais pendant le spectacle, il n'y a que la perfection. Il n'y a personne de parfait sur scène, il n'y a que la perfection. Mais quand on n'est pas clair, on est étonné après. On va au restaurant avec les danseurs, on est étonné. On se dit : " Mais c'est pas possible ! Comment quelqu'un d'aussi vulgaire peut être la perfection ? " Il n'y a que la perfection, mais personne ne peut l'avoir dans sa poche. Elle passe autant au restaurant après ; mais dans notre histoire, nous ne le savons pas. Il n'y a pas de bons danseurs, il n'y a que la danse. C'est pour cela qu'au Japon il y a des masques et qu'en Inde on peint le visage. Il n'y a pas d'acteur, il y a action. C'est pour ça que l'art est la forme extrême de l'intelligence, de la beauté, de la compréhension. C'est ce qui va le plus loin, parce qu'il n'y a pas d'acteur. C'est quand il n'y a pas d'acteur, qu'il y a un bon acteur : c'est parce qu'il n'est pas son rôle qu'il n'est que son rôle. Mais un acteur qui se prend pour son rôle le congestionne.

 

Vous pouvez le transposer. C'est pour ça que dans la musique indienne, dans la peinture indienne, dans la sculpture, vous n'avez que des émotions qui sont montrées. Même l'émotion de la tranquillité n'est pas plus haute que la peur. C'est un raga parmi les autres. Pourquoi ? C'est comme à l'opéra. Tout le monde s'égorge, à la fin : vous applaudissez, c'était merveilleux. Qu'est-ce qui était merveilleux ? Ce n'était pas l'histoire, c'était l'émerveillement. Dans la musique c'est la même chose. Dans la peinture indienne c'est surtout la séparation. C'est Radha qui cherche sous toutes les branches de Brindavan si Krishna est là. C'est sa souffrance qu'elle exprime dans la poésie, dans les grands poètes. La souffrance c'est quoi ? C'est la beauté ! C'est pas de se libérer pour être libre. L'émotion c'est la liberté, quand elle a pas d'histoire, quand elle est ressentie. C'est pour ça qu'après un raga de la séparation, le raga de la terreur (le Bhairava raga), ou le raga de la paix, quand les dernières notes se meurent dans votre cœur, vous avez la même joie. Le reste c'est une histoire, une histoire nécessaire pour trouver cette tranquillité. C'est la même chose pour les émotions. La peur apparaît : elle va s'effondrer dans votre écoute. C'était votre raga. Il faut l'écouter.

 

- De temps en temps, je m'ennuie…

C'est votre chance ! Pour quelqu'un d'autre c'est une gifle, pour quelqu'un d'autre c'est un viol, pour quelqu'un d'autre c'est de gagner à la loterie nationale. Pour vous, c'est l'ennui : c'est ce qui vous vient, c'est l'essentiel, c'est l'absolu. Vous sentez l'ennui, vous le sentez. Vous fermez les yeux : c'est dans la gorge, dans la poitrine, dans le ventre. Vous écoutez : c'est une caresse. Vous êtes attaché sur votre lit et c'est une nouvelle maîtresse qui vous caresse : vous ne pouvez rien faire. C'est ça l'ennui. Vous vous laissez faire : vous ne pouvez pas influencer sa main, son pied, ses lèvres. Vous vous laissez faire. Quelque chose se fait. Vous allez voir, vous ne vous ennuyez plus !

 

Vous sentez la main. Quelque chose va se faire. Sur un certain plan c'est, bien sûr, l'histoire que les choses devraient être autrement : si vous étiez en train de faire un pèlerinage à Dharmanath, ou la Khumba Mela, la semaine dernière, vous vous ennuieriez moins… peut-être quelques jours : l'ennui revient, il n'y que l'ennui. L'ennui c'est notre histoire, c'est se prétendre quelqu'un : on s'ennuie, c'est vraiment ennuyeux… À un moment donné, vous n'avez plus la prétention d'être un quelconque clown pour vous-même, c'est-à-dire d'être un quelconque non-ennui. Vous vous rendez compte que c'est l'état ultime, l'ennui, parce qu'il n'y a effectivement rien qui ne soit ennuyeux, quand on le regarde du point d'une histoire ! Ce qui plaît aujourd'hui, demain, vous le savez très bien, va vous laisser indifférent : c'est ennuyeux. Tout ce que vous allez acquérir aujourd'hui, vous allez le perdre demain. Tout ce que vous savez, vous allez l'oublier. Vous allez devenir gâteux. C'est ennuyeux tout ce que vous savez. Tout ce que vous avez c'est ennuyeux. Vous le pressentez et vous écoutez l'ennui.

 

Quand vous n'avez plus la prétention de vouloir vivre comme ceci et que ce serait moins ennuyeux, quelque chose se fait également. Il ne faut surtout pas essayer de quitter l'ennui, parce que ça revient tout de suite ! Faire autre chose n'est pas moins ennuyeux. Dévaliser une banque est aussi ennuyeux que d'être facteur. Si vous êtes fait pour l'un ou pour l'autre, vous le faites ! Vous le faites avec tout ce que vous avez, mais pas pour quelque chose. On a besoin de voleurs de banque, sinon il n'y en aurait pas. On a besoin de facteurs, sinon il n'y en aurait pas non plus. Ils ont un sens très profond tous les deux. Ils concourent à l'essentiel tous les deux, pas un plus que l'autre. Les sages n'apportent pas plus que les criminels ; ça c'est une histoire. Comment on le sait ? Il y a les deux ! Pour vous, l'ennui c'est votre ishta devata. C'est votre objet de méditation, mais pas conceptuellement. Vous êtes intelligents, vous allez faire le circuit très vite : rien ne s'est passé. Sensoriellement, peut-être que la première fois c'est bizarre de vous dire où est l'ennui. Je dirais, pour parler pratiquement, de ne même pas chercher l'ennui ; sinon vous allez encore trouver un concept. Vous vous laissez faire, ne l'oubliez pas ! C'est elle qui vous caresse, ce n'est pas vous qui vous caressez. Vous ne dirigez même pas votre attention sur la caresse : vous vous laissez faire. Ça va venir. Peut-être pas la première fois, mais ça vient.

 

Vous allez voir, c'est une légère amertume, c'est une compression, une oppression, un inconfort. Ne nommez même pas. Vous sentez. Vous ne dites pas où c'est, parce que dire " le ventre, la gorge ", c'est un concept. Vous sentez. Quelque chose se fait, quelque chose se défait. Vous ne cherchez pas à défaire ! Ce qui vous intéresse, ce n'est pas de défaire l'ennui ; ça c'est pour les yogis. C'est de vous trouver dans l'écoute, ce n'est pas dans ce que vous écoutez. Vous écoutez l'ennui. Vous allez vous trouver dans l'accueil et là il n'y a plus d'ennui. C'est l'essentiel. L'ennui était votre chance : vous trouvez l'accueil. Pour quelqu'un d'autre, c'est l'agitation. Vous ne voulez plus vous ennuyer, alors vous vous ennuyez toute votre vie !


Il faut comprendre le mécanisme. Pas raccommoder. Vous êtes assis, vous êtes sur la tête, dans la position que vous trouvez confortable. Vous êtes caressé et à un moment donné vous pensez à votre nouvel amant, à votre nouvelle amante, à votre chien, à votre compte en banque, à votre nouvelle religion, à votre gourou. N'essayez pas de revenir, de vous dire " non, non, je suis agité " ; non, allez à la pêche, allez voir le gourou. De nouveau, à moment donné, l'écoute est là. Allongez-vous, asseyez-vous, laissez venir, laissez venir. Vous vous rendrez compte que vous pensez à votre grand-mère : c'est parfait. Surtout ne revenez pas, ce serait une insulte. Allez à la pêche. Un autre jour, vous sentez l'ennui, allongez-vous, asseyez-vous, ou marchez. Il en vient d'autres. C'est comme un iceberg, on ne voit que le top. Petit à petit, ça monte. Vous le sentez là et puis vous allez voir, ça va être là. C'est dans la nuque et puis c'est là. Tout vient. À un moment donné, vous pensez à nouveau à votre grand-mère. Vous vous rendez compte également que vous n'avez pas à revenir, que vous êtes revenu. C'est parce que vous êtes revenus que vous savez que vous étiez parti.

 

Quand vous pensez à votre grand-mère, vous ne savez pas que vous pensez à votre grand-mère. Quand vous savez que vous pensez à votre grand-mère, vous n'y pensez plus. Alors vous restez là, vous ne cherchez pas à revenir. De nouveau, vous êtes là et à un moment donné, il n'y a plus de grand-mère : il n'y a que la sensation. Au début, c'est grossier : c'est lourd, c'est chaud, c'est froid, c'est élastique. Mais très vite, il n'y a plus de mots : ni en haut, ni ne bas, ni chaud, ni froid. Si vous connaissez l'art, il y a encore quelques expressions de l'art qui pointent encore, mais très vite il n'y a plus rien qui pointe ; il y a le ressenti. Ce ressenti va se dilater en vous : il y a d'abord la lourdeur, la pesanteur, la chaleur. Ça monte, ça s'étale, ça va complètement dépasser votre corps, remplir un espace. Vous ne poussez pas, vous ne faites rien : vous n'êtes pas en train de faire une expansion, comme on fait chez les yogis. Vous laissez faire, vous n'entretenez rien. Vous allez voir : tout ce qui s'est étalé, cette énergie qui s'est déployée complètement dans l'espace, de sa propre nature, un peu comme une coupe de champagne qu'on laisse tranquille, ça explose, puis ça redescend, ça redescend, ça redescend, ça redescend… puis à un moment donné il n'y a plus rien.


Si c'est le soir, vous êtes dans le sommeil profond, si c'est dans la journée, vous êtes dans ce qu'on appelle la méditation : vous savez que vous n'êtes rien. Ça se transforme à chaque instant. Au début, il faut du " temps ", mais, à un moment donné, vous voyez en vous l'impulsion : vous l'accueillez, ça va se vider complètement. Le but n'est pas que ça se vide ! Ça c'est encore du yoga. À un moment donné, vous allez vous sentir derrière cette expansion qui est derrière cette réduction, parce que vous ne mettez pas l'accent dessus. Si vous voulez devenir un yogi, faites du yoga : vous allez vous trouver toujours dans l'expansion et dans la résorption. C'est ça le yoga.

 

Source: notefish.com 

 

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 19:58

Entretien avec Éric Baret - Jean Bouchard d'Orval - Maison Raphaël - Paris, le 14 mai 1998

 

2ème partie : Il n'y a que la pensée 



 

 

Vous n'avez pas d'autonomie

Selon ce que vous avez mangé, ce que vous avez lu, ce que vous croyez, vous répondez d'une manière ou d'une autre. Mais la vie n'est que ça. Vous n'avez aucune liberté dans ce que vous pensez : c'est ce que vous avez lu, entendu, approuvé. Et vous dites " je pense ça ". Vous n'avez aucune liberté dans ce que vous ressentez. Si on voit votre passé, on voit pourquoi vous vous sentez comme ça. Alors s'imaginer qu'un organisme qui n'est que conditionnements peut être libre, c'est une forme de stupidité. Mais à un moment donné, on s'émerveille de cette stupidité, parce qu'elle est notre porte sur la liberté, quand on accepte totalement, quand on se rend compte de notre totale incompétence à pouvoir être libre. Car tout ce qu'on va faire pour être libre, c'est le passé, c'est la mémoire. On peut uniquement trouver le passé, ce qu'on connaît déjà. Si vous pensez sur la liberté, ce sont vos vieux mécanismes, vous ne pouvez que trouver le passé. Quand vous vous rendez compte que ce que vous cherchez vous ne pouvez jamais le trouver, parce que vous allez constamment le projeter, vous réalisez que ce que vous avez toujours cherché devant vous c'est derrière vous et que ça, vous ne le cherchez pas ; c'est ça qui vous cherche, quand vous arrêtez d'avoir la prétention de vouloir le trouver.

 

C'est que Eckhart appelle l'humilité

Mais il n'y a  personne d'humble dans l'humilité. Ça, il faut le comprendre et ensuite il faut oublier qu'on a compris. Se rendre compte combien dans la journée on essaie de se changer, alors que tous nos antagonismes, toutes les peurs, toutes les restrictions en nous, c'est exactement ce dont on a besoin pour découvrir cette liberté. Mais constamment on dit non : " J'ai peur, je voudrais être sans peur. Alors je vais travailler pour être sans peur et peut-être à ce moment-là je vais devenir libre. Je suis jaloux, je dois me libérer de la jalousie pour être libre. Je suis coléreux, je suis ceci, ceci, ceci… " C'est la même chose, c'est une prétention. Non. Vous êtes jaloux, vous êtes peureux, vous êtes agité : c'est la merveille de la vie. Quand vous l'accueillez complètement, que vous vous émerveillez de votre totale stupidité, de votre totale incapacité à comprendre le neuf - parce que vous ne pouvez que comprendre votre mémoire - là il y a une tranquillité qui s'installe. Ça, je dirais c'est un moment de repos ; il faut se laisser inviter, constamment. À un moment donné, il n'y a plus aucune tendance en vous de vous trouver dans quelque chose : de vous trouver dans votre famille, vos enfants, votre travail, votre corps, dans ce que vous faites, ou dans la fantaisie d'être libre. Vous cherchez d'abord dans l'école de danse et puis dans le mari, puis dans les enfants, puis dans la méditation. Mais vous vous cherchez toujours ! À un moment donné, vous ne vous cherchez plus. Ça vous cherche… Vous devenez disponible.

 

Ce qui s'approche le plus de cette orientation, c'est l'art. Quand vous apprenez à écouter la musique indienne, à regarder la danse, à contempler l'architecture, je dirais que organiquement vous êtes ramené à ce non-dynamisme. Ça c'est ce qu'on appelle en Orient la voie directe. ce n'est pas une voie et personne ne l'a jamais suivie. Il n'y a surtout personne qui soit jamais arrivé au bout ! C'est pour cela qu'on l'appelle la voie directe.

 

Ça ne remet pas en question quoi que ce soit. Vous pouvez organiquement faire une thérapie, faire du yoga, devenir bouddhiste, vous marier, avoir des enfants, méditer, aller en Inde. Mais à un moment donné, vous ne le faites plus pour quelque chose. Vous faites de la musique parce que vous êtes musicien, pas pour vous trouver dans la musique. La vie c'est l'activité, mais vouloir vous trouver dans l'activité, ça vous empêche d'avoir une activité organique. Si vous voulez vous trouver dans la danse, vous n'êtes jamais un bon danseur. Si vous voulez vous trouver dans la famille, vous n'êtes jamais une bonne mère de famille. Si vous voulez vous trouver dans la méditation, il n'y aura jamais de méditation. La méditation vous trouve, la famille vous trouve, la danse vous trouve, la vie vous trouve. Ça c'est autre chose ; vous suivez. Il y a résonance en vous. Vous ne le faites pas pour ceci ; vous le faites parce que vous le faites. Parce que la raison est humaine et vouloir comprendre quelque chose de ce qui est au-delà de ce qui est humain, c'est un manque de compréhension. Il n'y a rien qu'on puisse comprendre : on ne peut comprendre le soleil, la lune, la vie, la mort, une fourmi, on ne peut rien comprendre ! On peut uniquement ramener à sa mémoire ce quelque chose qui est la totalité. Alors vous respectez ce que vous ne pouvez jamais comprendre. Vous allez voir que c'est vous-même, parce qu'il n'y a rien qui soit à l'extérieur.

 

Tout ce que vous rencontrez dans la vie, c'est pas autre chose que vous et c'est exactement ce dont vous avez besoin pour vous rendre compte de ça. Alors il n'y a plus de voies spirituelles. Il n'y a qu'une voie spirituelle et vous ne pouvez pas être là en même temps : tant que vous suivez une démarche spirituelle, il n'y a pas de démarche spirituelle : vous la suivez pour vous trouver. Une voie spirituelle n'a pas de place pour un quelqu'un, pour une personne. Dans un moment de tranquillité, où vous ne voulez rien, vous ne savez rien, vous ne prétendez rien, il y a une voie spirituelle. Peut-être irez-vous au Kailash, peut-être irez-vous à la Mecque, mais vous irez pour remercier, pas pour trouver quelque chose. c'est là que l'art se présente. L'artiste joue pour célébrer, pas pour se trouver. Sinon, ce n'est pas un véritable artiste. Alors la démarche spirituelle, du point de vue de l'Orient, c'est un remerciement : c'est remercier du pressentiment d'être. Ce n'est pas un moyen pour se trouver, car ça c'est une caricature. Alors votre vie, votre pensée, votre activité, expriment votre conviction qu'il n'y a rien à trouver dans la vie, qu'il n'y a pas de but à la vie, que chaque instant est sa propre beauté. C'est ça la voie spirituelle. C'est de dire merci : pas à quelqu'un, pas à quelque chose, mais merci à soi-même, parce qu'il n'y a rien d'autre dans tout ce que vous voyez.

 

Vous ne devez pas écouter

C'est vous qui êtes ce qui est écouté. Il y a écoute. Vous n'écoutez pas. Si vous écoutez, il n'y a pas écoute, il y a agitation. Si vous méditez, il n'y a pas de méditation ; il y a un méditant. Personne n'écoute. Un bruit, une sensation : ça jaillit, ça disparaît. Vous apparaissez, vous disparaissez. Vous n'écoutez jamais, vous ne méditez jamais.  C'est ça l'écoute. C'est ça qui est là, maintenant. Le reste, ça s'en va. Quand on est un en votre présence, cette écoute résonne. Qu'est-ce qui peut faire, une fois qu'on est en un autre lieu, dans une autre situation, que ça se maintienne ? Quand vous êtes là en votre présence, cette écoute résonne. C'est un processus, c'est une conscience qui est ma réalité ?

 

Il n'y a rien d'autre. Sauf dans votre histoire que la réalité devrait être comme un éléphant rose. Il n'y a rien d'autre ! Il n'y a que résonance. Vous l'attribuez à ceci, à cela, mais c'est vous qui vivez la résonance. Il n'y a rien d'autre. Vous vous écoutez maintenant, vous sentez la résonance. Ça c'est vous-même, vous l'avez toujours là. C'est quand vous arrêtez de prétendre qu'elle dépend de quoi que ce soit, y compris de vous-même. C'est sur un fil de rasoir. Un millième de millimètre en avant et c'est parti. Mais c'est toujours là… sauf quand vous voulez l'attraper. Parce que là vous vous êtes quitté, vous avez quitté votre intégrité.

 

- Mais toute personne qui a un plaisir, un bonheur quelconque, a envie de le retenir…
- Il faut rester avec vous, il n'y a que vous.
Vous sentez cette avidité, c'est merveilleux ! C'est votre ishta devata, c'est votre porte sur la tranquillité. Cette avidité, ce n'est pas une erreur à rectifier, qui vous empêche. Non ! C'est ça, c'est ici, il n'y a que ça ! Ouvrez-vous à cette avidité, c'est votre cadeau. Mais vous le refusez, parce que vous dites : " je suis avide, ça m'empêche ". Vous êtes avide : c'est ça qui vous amène ici, c'est ça votre porte de sortie. Il faut l'aimer, c'est vous-même. Qu'est-ce qui se passe quand vous aimez cette avidité ?

 

On ne peut être clair que maintenant

Alors, constamment on dit non. Je ne devrais pas être avide, parce que la spiritualité, la sagesse, c'est de ne pas être avide. On passe sa vie à refuser ce qui nous amène sur l'essentiel, parce qu'on a l'idéologie que la sagesse, elle est là-bas. Non, elle est maintenant : c'est l'avidité. Vous le ressentez, vous êtes ça. Il n'y a pas de but là-dedans ; le fait d'être est son propre but, sa propre joie. Ça ne vous apporte rien. Vous ne devenez pas riche pour ça, vous ne devenez pas sage pour ça ; vous ne devenez rien. Il n'y a rien d'autre, sinon c'est une histoire. Et c'est dans l'instant, c'est que dans l'instant. Ce n'est pas dans l'histoire de devenir clair et de rester clair jusqu'à la fin de sa vie : ça c'est une histoire.

 

On ne peut être clair que maintenant. Demain, la peur surgit, c'est merveilleux ! La peur, c'est l'essentiel. Il n'y a que ça. On est constamment en train de dire : " non ! c'est pas ça ! " Un jour vous travaillez plus et puis un jour vous… non, ce n'est pas ça. C'est une histoire. Mais en même temps c'est ce qui vous amène. Comment savez-vous que vous êtes avide ? Vous êtes avide ! C'est la réalité, c'est la tranquillité. Il n'y a rien à faire. Tout ce que vous pouvez faire, c'est à côté. Il n'y a rien à penser, il n'y a pas de technique. Vous ne pouvez pas le faire demain. Vous n'êtes que ça.

 

- La pensée n'a presque pas de rôle, dans une (…)

- La pensée intentionnelle. Mais il n'y a que la pensée. Il n'y a rien d'autre.


- S'il n'y a pas d'histoire, où est la pensée ?

- C'est encore un dynamisme, même l'absence d'histoire. C'est une double absence : l'absence de l'absence. L'absence d'histoire, pour moi c'est un peu comme le samadhi : il y l'absence d'objet, mais il y a encore l'écho d'une histoire. L'absence de l'absence, c'est ouvert à l'absence de l'histoire et à la présence de l'histoire. Même quand l'histoire est présente, il n'y a pas d'histoire. Parce qu'il n'y a jamais eu d'histoire. C'est nous qui le qualifions d'histoire, c'est nous qui le qualifions de faux, c'est nous qui le qualifions d'illusion, c'est nous qui le qualifions d'avidité. Alors qu'il n'y a que l'essentiel, c'est nous qui le nommons Dieu ou qui l'appelons le diable. Mais pour s'ouvrir à ce pressentiment, la pensée n'a pas de place, sauf quand elle est là. Quand elle est là, c'est ça la porte. C'est-à-dire tout le temps. Elle a pas de place comme moyen, mais elle n'est que résonance.

  

Il n'y a que pensée

La chaise, c'est une pensée, bien sûr. Ce que vous appelez tabouret, ou arbre, c'est une pensée, bien sûr. Quand vous ne le pensez pas, ce n'est pas là. Je pense que pédagogiquement la sensation - qui est une pensée aussi, qui est toujours en termes d'essence - est beaucoup plus… - c'est très dangereux de dire ça, mais si on le dit très vite… - elle est beaucoup plus proche de l'essentiel que la pensée. S'il y a des gens intelligents dans la salle, bien sûr, ils peuvent détruire cela très facilement. Mais sur un certain plan c'est vrai. Le ressenti de la peur, dans le ventre, est plus proche de l'essentiel que la pensée de la peur. Sur un autre plan, c'est deux pensées. Nous pouvons déceler en nous le mécanisme de la pensée. C'est de vouloir s'en sortir : dès qu'un événement ne correspond pas à notre plan du monde, on pense. Il faut s'en rendre compte. On en peut pas penser et écouter à la fois. Quand on écoute, il n'y a pas de pensée. Il peut y avoir une pensée, mais ce n'est plus une pensée séparée. C'est un écho, une résonance. Quand on ajourne, il n'y a que pensée : " Je devrai, demain. J'aurais dû. Si la situation était différente. Si j'étais différent. " Et ça passe. Vous devenez trop fainéant pour prétendre avoir un quelconque avenir là-dedans, pour vouloir vous trouver dans quelque chose, dans vous-même.

 

- J'ai exactement les mêmes peurs que vous !

- Et comment vous les vivez ?

 

- Exactement comme vous !

- Très bien !

Il y a un ressenti. Être sans peur, c'est une histoire. C'est un sage qui est sans peur. Quelqu'un qui est devenu sage et qui est condamné à le rester. Mais si vous ne devenez rien, si vous arrêtez d'avoir la prétention de devenir quoi que ce soit, quelle pourrait être le problème de la peur ? Si vous n'avez pas d'histoire, vous devez être sans peur… Mais dans le seul instant où vous vous libérez de la prétention de devoir être sans peur, comment vivez-vous la peur ? On doit vivre la peur sans peur. On doit vivre la tristesse sans tristesse. On doit vivre l'agitation sans agitation.

 

Mais quand vous dites vivre la peur sans peur, vivre la tristesse sans tristesse, ce que nous entendons, c'est que c'est possible de traverser ça dans une relative base de confiance. Il faut d'abord qu'il y ait un terrain solide pour pouvoir traverser ça. S'il n'y a pas de terrain solide, il n'y a pas de traversée possible. Si vous avez une histoire de devenir, oui ! Mais à un moment donné, vous ne vous situez pas dans une histoire de devenir sans peur. Alors il n'y a plus de terrain possible. Votre terrain, c'est votre liberté du terrain. Votre peur, c'est votre liberté de la peur. La peur est uniquement là pour que vous vous sentiez sans peur. Mais c'est uniquement possible quand vous dites merci. La peur est uniquement là pour que vous vous sentiez sans peur. Vous sentez la peur : c'est votre cadeau. Vous dites merci. C'est pas un hasard, ce n'est pas une erreur, une erreur divine… Non, c'est votre cadeau. Quand vous n'avez pas l'arrogance d'être sans peur, quand la peur s'immisce totalement en vous, sans la moindre résistance, vous sentez la peur sans peur. Et c'est dans l'instant !

 

- Qu'est-ce qui peut faire qu'on s'ouvre à la peur, sans la moindre… [inaudible]…, sans la peur de mourir ? Qu'est-ce qui va faire qu'on va dire : " Oui, j'ai peur de mourir et je vais me laisser aller complètement dans cette peur, jusqu'à ce que j'en meure, si ça doit se produire ?

La même chose qui va faire que vous allez commander deux œufs au restaurant tout à l'heure.

 

- Ça me fait moins peur !

Il n'y a rien de séparé dans la vie, rien qui pourrait avoir une autonomie, une activité, qui pourrait arriver à quelque chose. Vous seriez le seul être indépendant du cosmos, le seul qui pourrait décider quelque chose, de faire ou de pas faire, pour être ouvert à la peur. Parce qu'il n'y a qu'un. Vous pouvez prétendre faire, vous pouvez prétendre ne pas faire, mais vous n'avez jamais rien fait et vous ne ferez jamais rien. Il y a une légèreté quand on comprend ça. Vous ne portez plus sur vos épaules vos capacités. Il n'y a pas de devenir ! Vous sentez la peur, vous dites merci. C'est tout ! Quand vous dites merci, de quoi pourriez-vous avoir peur ? Il faudrait que ce merci me vienne ! Si vraiment j'ai peur, c'est la peur qui va m'emporter et qui va m'effrayer. Ce merci, je vais être obligé de le plaquer, ça va pas être quelque chose de naturel. C'est parce que vous amenez les choses dans une histoire d'un devenir. Le merci, vous ne pouvez pas le dire tout à l'heure, c'est maintenant à tout jamais. N'essayez pas de le trouver dans ce qui va arriver demain ! Ça c'est pas possible.

 

- Vous voulez dire par là que quand je parle et j'argumente…

Non, avant ça. Vous êtes dans ce merci, mais vous avez l'histoire que vous n'y êtes pas. C'est que vous allez essayer d'y être demain. C'est de ça dont il faut se rendre compte. Donc, peut-être que cette histoire m'habite d'une façon très insidieuse…Ce n'est pas vous ; c'est moi, c'est tout le monde. Il n'y a pas de différence. Oui, d'accord. Oui, oui, d'accord. Mais [rires] pour la plupart des gens ici dans cette pièce, cette histoire qui les habite, elle les habite de façon suffisamment insidieuse pour que, s'ils ont peur, ça ne leur vienne pas naturellement de dire merci.

Vous allez voir que ça c'est une histoire. C'est une histoire dont vous vous servez pour ne pas dire merci maintenant, pour vous maintenir en vie. Un jour vous allez voir que toutes les histoires dont vous vous servez pour justifier de ne pas dire merci, c'était ce qui était nécessaire pour dire merci aussi. Mais dans le moment, toute justification (quand, comment, pourquoi), c'est une fuite. C'est la peur. Vous donnez du L.S.D. à quelqu'un qui vit dans la peur, il va vouloir savoir où il est, qui il est, où il va, ce qui se passe. Vous donnez du L.S.D. à quelqu'un de tranquille, il y a émerveillement. Parce qu'il ne se cherche pas dans ce qu'il voit, dans ce qu'il ressent maintenant.

 

- C'est un abandon total.

- Même pas ! C'est déjà une histoire. Parce que c'est encore quelque chose qui pourrait se faire. Il faut vivre ça finalement, de plus en plus, avec cette compréhension que c'est derrière et qu'on ne peut que regarder devant, on ne peut faire que devant. Tout est juste. Mais rien n'est ça ; et tout est ça aussi.

 

- Chez vous c'est juste, mais chez moi c'est une histoire.

- C'est ça l'histoire ! Il y a l'histoire que quelqu'un peut être sans histoire, un grand sage…
…une personne assise sur une chaise devant moi…

…ou sur une montagne, ou dans une grotte, ou vous-même demain.

À chaque instant on essaie de penser l'impensable. Il faut se rendre compte que c'est inévitable, qu'on ne peut pas fonctionner autrement que ça. On ne peut pas éviter aussi de se rendre compte, à un moment donné, que c'est impossible. Quand on voit que c'est impossible, là il n'y a plus d'histoire. C'est pour cela qu'on l'appelle la voie négative. On ne peut jamais pointer. On ne peut pointer que vers ce qu'on n'est pas. Et il n'y a rien qu'on n'est pas. Ce qui se présente, c'est ça. Alors c'est pas la peine de se libérer, de se séparer. Tout ce que vous rencontrez, c'est ça, sauf dans votre histoire que ça devrait ressembler à quelque chose d'autre. Mais on le sent, quand on commence à avoir certains moments où on ne se cherche plus. Ce n'est que quelques instants d'abord : vous n'êtes pas en train de faire quelque chose pour quelque chose. Vous vous mariez, vous divorcez. Vous devenez un dictateur. Vous ouvrez un pressing. Mais vous ne vous cherchez pas là-dedans. Qu'est-ce que c'est l'essentiel ! Ça ne peut pas être autre chose, sauf dans l'histoire que les pressings c'est des pressings. Il n'y a jamais eu de pressing. Il n'y a que l'essentiel, si on ne crée pas une histoire, si on ne sépare pas. Il faut se rendre compte soi-même qu'on est toujours en train de séparer : le haut et le bas, oui et non…vous et moi.

 

A suivre...

Source: notefish.com

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25 mars 2011 5 25 /03 /mars /2011 21:36

Jean Bouchard d'Orval - Entretien et dialogues avec Eric Baret

 

ON NE PEUT ÊTRE LIBRE DEMAIN

Entretien avec Éric Baret - Maison Raphaël - Paris, le 14 mai 1998

 

1ère partie : Une rencontre c'est uniquement pour s'amuser

 

Pour moi, une rencontre c'est uniquement pour s'amuser, parce qu'il n'y a rien d'autre que l'amusement. Pour s'amuser, il faut être des enfants, c'est-à-dire être libre de l'histoire, de la prétention à savoir quelque chose, à être quelque chose, ou à devenir quelque chose. Je n'ai aucune réponse ; je ne suis pas une bibliothèque, j'ai très peu lu. La manière de jouer pourrait être d'écouter en soi-même et si un sentiment, une émotion, une pensée surgissent et si on sent le goût de l'exprimer, on peut le faire. Je fais la même chose. Si à ce moment-là quelque chose surgit dans l'écoute, ce quelque chose sera exprimé. Ce n'est pas pour répondre à une question, ce n'est pas pour éclairer une question, c'est uniquement parce que la nature des choses est mouvement, sonorité. Mais pour jouer, il faut être libre de tout savoir ; sinon on ne joue pas, on travaille. C'est trop tard pour travailler. Mais si on ne sait pas jouer, peut-être qu'apprendre à jouer est un travail…


On sait tous jouer. On sait tous jouer, parce qu'il n'y a que ça. Vous ne croyez pas à vos histoires, vous ne croyez pas à votre passé, vous ne croyez pas à votre futur. Quand vous êtes vraiment à l'écoute, vous ne pouvez pas croire vos parents, qui vous ont dit que vous étiez né à telle date, la société qui vous dit que vous allez mourir dans les quarante années qui viennent, votre compte en banque. Si vous écoutez, vous ne pouvez pas croire à ces choses. On peut prétendre croire. On peut prétendre se prendre pour son compte en banque, pour sa vitalité, pour son intelligence, pour sa force. Mais profondément, on ne croit pas à ça. C'est pour cela que tous les soirs, vous abandonnez toutes ces prétentions et vous vous laissez glisser dans le sommeil profond. C'est vraiment la profonde jouissance de la journée. Si vous y croyiez vraiment, vous ne pourriez pas dormir, vous ne pourriez pas mourir chaque soir. Mais souvent, l'histoire d'être quelque chose surgit et c'est merveilleux que ça soit comme ça : elle surgit parce qu'on en a besoin. Quand vous avez peur, quand vous désirez, c'est votre porte sur la liberté, c'est votre porte sur le rien-être. Mais généralement, par mauvaise habitude, je dirais, on repousse ces portes et on se dit : " Je dois me libérer de la peur, je dois me libérer de l'inquiétude. Je dois devenir libre, un sage. Je dois devenir, demain…"

 

Ça c'est la grande misère, de vouloir devenir, de vouloir être libre demain, quand je n'aurai plus de peur, quand je ne serai plus comme ceci, comme cela. Ça c'est la souffrance. Mais même cette prétention, vous la quittez également, tous le soirs. À un moment donné, on découvre le mécanisme en soi. C'est très clair : dès que vous prétendez, vous souffrez ! Quand vous ne prétendez rien, il y a une tranquillité. La tranquillité est toujours maintenant, elle ne dépend de rien. Vous n'avez pas besoin de devenir, d'apprendre, d'étudier, de vous purifier : vous avez besoin d'arrêter de prétendre d'être quoi que ce soit. C'est ce que fait un enfant ! L'objet se présente, l'enfant est là. L'objet le quitte, il est sur l'autre objet. À un moment donné, on voit combien l'ajournement est ce qui fait souffrir. Vouloir être libre demain, ça c'est la souffrance. Vouloir se calmer, se transformer. On peut faire du yoga, on peut aller en Inde, en Chine, devenir bouddhiste, devenir… c'est difficile de dormir, tant qu'on veut devenir. Mais tôt ou tard, vous pressentez qu'il n'y a rien à devenir. Quelque chose, ou plutôt rien ne se passe. C'est le devenir qui se passe.


Donc on ne peut pas chercher à être comme un enfant : ça c'est une attitude d'adulte ! Vouloir comprendre un enfant… il n'y a rien à comprendre ! Il y a uniquement l'écoute, sans avoir la prétention d'être autre chose que ce qu'on entend. Vous écoutez. Votre voisin écrase la tête de sa femme contre votre mur, vous écoutez le bruit de la tête qui se brise, vous écoutez votre réaction, votre indignation - vous trouvez ça très violent - et vous auriez envie de lui écraser la tête contre le mur, parce que la violence c'est inadmissible. Vous vous rendez compte que vous êtes aussi violent que lui et que c'est pour cela que vous ne supportez pas sa violence. Il suffit d'écouter, comme un enfant. C'est gratuit, vous n'avez pas à aller à des séminaires pour l'apprendre. Aucun livre ne peut vous l'apprendre : c'est le voisin, quand il écrase la tête de sa femme, qui vous l'apprend, parce que c'est votre réalité dans le moment. C'est ce que vous devez écouter, parce que c'est cela qui se passe.

 

Quand il y a l'anxiété, c'est ça l'objet de méditation. Quand il y a la jalousie, c'est ça l'ishta devata, l'objet de méditation. Vous n'avez pas besoin d'aller en Inde pour cela, c'est toujours avec vous. C'est gratuit. Mais il faut avoir cette attitude d'enfant, d'être libre de but, parce que ça ne vous rapporte rien : vous ne devenez pas libre, vous ne devenez pas sage, vous devenez rien. Il y a uniquement la tranquillité. C'est pas la vôtre, elle n'est pas dans votre poche. Jouer c'est dans l'instant. Demain, la peur surgit de nouveau : vous dites merci, parce que c'est vous-même. Il n'y a que vous-même. Cette peur est de nouveau votre écoute, votre vérité, d'instant en instant. On ne peut pas être libre pour toujours, parce qu'il n'y a que l'instant. On ne peut pas être libre demain, parce qu'il n'y a que l'instant. Et c'est un jeu sans participant. Il n'y a que le jeu, personne ne joue.

 

Je n'ai pas de question, mais je voudrais juste vivre plus intensément. Quand vous avez commencé à parler, j'ai senti une tranquillité qui s'installait. Mais vous avez parlé de l'enfance et de l'intuition de l'enfant à plusieurs reprises. Plus ça va et moins je me sens bien quand je vous entends dire ça, parce que l'intuition de l'enfant je ne l'ai pas connue. Je l'ai connue de façon très furtive et c'est maintenant que je la découvre. Parler de l'enfant, pour moi c'est difficile. J'ai l'impression de faire le chemin inverse, de ne pas avoir connu d'enfance insouciante et de découvrir ce qui est inhérent à l'enfant maintenant. Ça me met très mal. Plus je vous entends et plus je sens la colère, parce que les choses ne sont pas arrivées au moment où il le fallait.


La colère, c'est ce qu'il y a de plus haut en vous, c'est ce qu'il y a d'essentiel. C'est maintenant. Si vous l'écoutez, si vous la sentez, c'est là que vous êtes libre. C'est pas de revenir à l'enfance ; ça c'est un concept. L'enfance c'est maintenant. C'est maintenant, quand vous laissez votre histoire d'avoir eu une enfance. C'est maintenant. Mais si vous essayez d'écarter cette colère, parce que ça vous empêche de quelque chose, ça c'est un ajournement. Sentez ce que vous sentez maintenant. C'est à vous, c'est ce qu'il y a de plus précieux en vous. Comment vous le savez ? Vous le sentez maintenant. Il n'y a rien d'autre. Laissez cela totalement vous remplir. C'est ça la tranquillité. Vous ne pouvez pas vous libérer demain, vous ne pouvez pas vous libérer dans une seconde ; c'est maintenant. Vous n'avez rien à faire. Ne faites rien : vous ressentez. Il n'y a rien d'autre. C'est ça l'enfance : ne la cherchez pas dans le passé, ça c'est une histoire.


Sentir, ça veut dire aimer, ça veut dire : dire oui. Personne peut le dire ; on ne peut dire que non. Quand vous aimez, quand vous vous aimez, vous aimez tout. Là il ne peut pas y avoir de colère. La colère c'est une vieille histoire, qui veut faire croire qu'il y a eu quelque chose de faux dans votre vie. Et la bonne nouvelle c'est qu'il n'y a jamais rien eu de faux dans votre vie. Votre vie était parfaite. Ce qui s'est passé quand vous étiez jeune, c'était parfait. Car tout est parfait, quand il n'y a pas d'histoire : que les choses devraient être autrement, que Dieu a fait une petite erreur dans votre vie et qu'il vous faut essayer de la corriger, de vous en libérer. Non. Tout ce qui vous est arrivé, c'est ce qui vous amène à être complètement libre dans l'instant. Il n'y a rien à rectifier ; il ne peut plus y avoir de culpabilité, de remords. Tout était parfaitement juste, sauf dans votre histoire que la vie devrait être ceci ou cela. Pas d'histoire. Il s'agit d'être complètement là, il n'y a rien d'autre.


Ne vous racontez pas non plus d'histoire que vous avez commencé à ressentir une tranquillité quand j'ai commencé à parler. C'est votre histoire : vous avez ressenti une tranquillité parce que vous avez écouté. Vous vous êtes écouté vous-même ; c'est votre tranquillité que vous avez sentie, il n'y en a pas d'autre. Votre tranquillité n'est pas à l'extérieur, c'est la vôtre. Elle ne vient de rien. Alors, c'est une histoire. C'est votre tranquillité. Il n'y a pas de situation qui amène la tranquillité.


Quand je vous écoute, il y a une part de moi qui a envie de jouer. Ce qui me vient, c'est : à quoi bon écouter, à quoi bon essayer d'être libre, à quoi bon…

 

Exactement ! La suite, c'est que de toute façon je vais mourir. Je me sens derrière ça. De toute façon, à quoi ça sert ?


Ça vous le pensez, vous ne le sentez pas. Vous ne pouvez pas sentir la mort. La mort c'est une pensée. Quand vous dites " je sens que c'est inutile de faire quoi que ce soit ", vous pouvez le sentir. Ça c'est votre nature profonde : être sans dynamisme. Vous pouvez sentir que c'est inutile de venir ici, parce que c'est votre nature profonde d'aller nulle part. Mais vous ne pouvez pas sentir qu'il y a la mort devant vous. C'est un concept, c'est une histoire. Vous l'avez acheté ce concept, avec celui d'être né, avec celui de votre nom. Vous le fabriquez à chaque instant. Et ça doit être comme ça, c'est parfait comme ça. C'est parce que vous le fabriquez à chaque instant que vous pressentez la tranquillité. Vous n'avez pas à vous libérer de cela pour être tranquille. Il faut laisser cela aux grands yogis.


Être un enfant, ça veut dire ne pas avoir la prétention d'être quoi que ce soit. Vous sentez en vous l'image de la mort - ça ne peut être qu'une image, on ne peut pas pressentir sa mort - et c'est votre porte sur la tranquillité. Laissez venir ça, vous allez voir ce qui se passe en vous. Ça devient un ressenti : la mort, elle est dans la gorge, dans la poitrine, dans le ventre. Vous l'accueillez et vous allez voir que ça ne peut pas se maintenir. C'est fatigant de penser. Mais quand vous accueillez quelque chose, il ne reste que l'essentiel : c'est l'accueil. Ce que vous accueillez n'a pas d'importance. C'est pour ça qu'en Inde, l'ishta devata peut être Ganesh ou Kali ; ce n'est pas important. C'est la célébration qui est importante, ce qu'on célèbre c'est un prétexte. C'est l'accueil qui compte. Ce qu'on accueille, c'est une décoration. Vous avez la chance d'accueillir le concept de la mort : c'est votre ishta devata, votre objet de méditation. Pas votre objet de concentration, pas de vouloir comprendre, de vouloir ramener à votre niveau l'immensité : ça c'est l'orgueil et il faut laisser cela aux yogis.


Il n'y a rien à comprendre dans l'essentiel. Vous écoutez, Il n'y a personne qui écoute, il n'y a rien qui est écouté ; il y a écoute. C'est ça la méditation. Le moment où vous voulez chasser cette pensée de la mort, c'est ça l'agitation. Ce qui se présente, c'est exactement ce qui est nécessaire. Comment vous le savez ? Parce que c'est là ! Et parce qu'il n'y a pas eu d'erreur dans la création divine, d'erreur que vous devez rectifier. Ce qui se présente c'est votre cadeau. Alors, vous dites oui. Pas conceptuellement, mais profondément, en ce sens que vous êtes ce oui. C'est votre nature et là il n'y a pas d'histoire. Vous n'avez rien à faire pour ça, sauf voir qu'on est constamment en train de… Si vous faisiez plus de méditation, si vous étudiez les Karikas de Gaudapada, si vous mangiez plus de graines germées… : chacun a ses fantaisies. Mais c'est toujours demain et ça ne marche pas. Ça peut changer la coloration : vous pouvez avoir moins peur des chats, mais la peur est toujours là. Car être quoi que ce soit, c'est avoir peur.


Il y a quelques temps, j'ai pris conscience que j'aspirais vraiment à passer ma vie à rire et à m'amuser, à traverser l'existence dans la légèreté. N'y a-t-il pas l'envie de la distraction derrière ça ? Je ne sais pas si cette envie-là c'est ce dont vous parlez. Si demain vous apprenez que vous avez un cancer terminal, ainsi que vos proches, qu'est-ce qui se passe dans cette envie de légèreté ?


Elle devient plus forte. Ça devient grave en dedans. C'est les deux. Parce que je dois vous dire que vous parlez de légèreté et je vous trouve d'une gravité terrible. (Rires). Je vous dis qu'il y a quelque chose que j'ai envie de saisir dans ce que vous dites. Je me dis qu'il doit y avoir une coexistence entre gravité et légèreté.


La gravité c'est une impression. Quand vous allez à un concert, parfois les musiciens semblent graves, mais ils ne sont pas comme ça. Quand vous allez voir des compétitions d'art martiaux, celui qui donne le coup de pied ou le coup de coude peut parfois pousser un cri, faire une grimace, mais il n'est pas comme ça. Le corps s'exprime de différentes manières. À un moment donné, vous n'avez plus d'histoire sur ces codifications. Il y a de multiples manières de sourire. Il y a de multiples manières de pleurer. Si votre légèreté devient grave, dans quelque situation que ce soit, c'est qu'elle n'est pas sérieuse. C'était une légèreté psychologique. La légèreté, si on veut employer ce mot, c'est ce pressentiment que ce qui se présente dans l'instant est tout ce qui peut à jamais y avoir. C'est un ressenti non conceptuel. Il ne pourra jamais y avoir autre chose et il n'y a jamais eu autre chose. Mais si l'événement vous rend grave, c'est que cette légèreté est psychologique, donc qui dépend des circonstances, que vous allez pouvoir développer par le yoga ou d'autres techniques - en devenant soufi - mais qui dépend d'une activité.


Un jour, vous allez voir profondément que tout ce que vous devez faire, ça va vous fatiguer. Vous allez être trop fatiguée pour faire quoi que ce soit, y compris pour être légère, y compris pour être triste. Vous allez voir que tout ça c'est une activité qui vient uniquement quand vous prétendez avoir une histoire, avoir un passé et avoir un futur. On peut voir tout ça comme étant un concept. C'est une maturation qui ne dépend pas d'un quelconque faire et qui ne dépend pas du temps. Alors le mot maturation est faux. Évitez de vouloir le comprendre, parce qu'on ne peut le comprendre que dans le temps et c'est faux ; la maturation est dans l'instant. Vous êtes condamnée à cette maturation. Le seul ajournement possible, c'est d'essayer d'être mûr, par la pensée, par l'action ou par l'émotion. Ça c'est un sac sans fond. Vous allez être plus sage tous les jours, plus libre tous les jours : c'est une misère constante. Vous ajournez constamment l'essentiel.


À un moment donné, vous ne cherchez plus à être moins ceci et plus cela, à être sans peur, à être sans désir : vous ne cherchez rien. On peut appeler cela une forme de respect, un respect pour la réalité, pour ce qui est là dans l'instant. C'est le respect pour l'essentiel. L'essentiel ce n'est pas quelque chose qui est caché derrière l'apparence - ça ce sont de belles histoires indiennes - l'essentiel c'est ce qui est là, c'est ce que vous sentez dans l'instant. Il n'y a rien d'autre que ça. Là il n'y a rien à comprendre, il n'y a tout simplement rien. C'est ça qui se reflète comme légèreté qui apparemment surgit quand les situations conviennent à votre idéologie et qui apparemment s'élimine quand les situations ne correspondent pas à votre plan pour l'humanité. À un moment donné, vous arrêtez de vous prendre pour Dieu et de vouloir régler les problèmes de l'humanité - ou le vôtre, parce que c'est le même. C'est une histoire dans les deux cas.


Pratiquement, vous pouvez vous offrir des moments dans la journée, à un feu rouge, pour quelques instants - ce n'est pas un problème de temps, il n'y a pas de temps là - où vous arrêtez de prétendre d'être une femme, un homme, un chien, un dromadaire, d'avoir des parents, des enfants, un travail, une intelligence, une compréhension et vous vous donnez à ce qui est là. Ça peut être un genou, un vacarme, une odeur, ce qui est là dans l'instant, sans rien vouloir en tirer. Ça c'est l'essentiel, c'est la beauté. Je dirais que cette disponibilité va s'étaler dans votre vie, jusqu'au moment où vous voulez ce qui est là, parce que ce qui est là, c'est ce qui doit être là. C'est vous-même, il n'y a rien d'autre. Que ce soit soi-disant vous, soi-disant les autres, ce n'est que vous même. C'est la totalité. Là, la légèreté est véritable ; mais elle ne peut pas être grave. L'expression de cette légèreté peut être terrifiante si nécessaire. Mais c'est une légèreté. Quand le chat crève la gorge de la souris, c'est la même légèreté, si on le regarde sans histoire. Mais si vous avez une histoire, alors, selon que vous preniez pour le chat ou pour la souris, c'est une chose dramatique ou merveilleuse. Mais ce n'est absolument rien, si on n'a pas une idéologie à savoir comment le monde doit être, si on n'a pas la vanité de vouloir améliorer la création.


Ça n'empêche pas de bouger ! Parfois vous allez assister avec émerveillement au spectacle du chat qui torture la souris, parfois vous allez donner un petit coup sur le nez du chat. L'un n'est pas mieux que l'autre. Vous ne décidez pas : ce n'est pas un méchant chat, ce n'est pas une gentille souris. La souris, si quelqu'un ne lui crève pas la gorge, va manger quelqu'un d'autre. La nature de la vie c'est l'action. Le corps bouge, le corps contemple, le corps tape sur un museau de chat : c'est la même chose. Vous n'avez pas d'histoire que vous savez mieux que Dieu ce qui doit être. Comment vous savez que vous devez taper sur le nez du chat ? Vous tapez sur le nez du chat. Comment vous savez que vous devez assister à la mise à mort de la souris ? Vous assistez à la mise à mort. Il n'y a pas de mieux ou de moins bien, sauf si on vit de manière idéologique. Dans ce cas, dix ans après, vous allez encore penser à cette pauvre souris massacrée par le chat. Tout ce qui est moins qu'une liberté, c'est une prétention, c'est fatigant. Tout ce qui dépend de quelque chose, c'est une prétention. Il n'y a pas de cause à effet, sauf dans notre histoire. Il n'y a rien à penser là-dedans, la pensée ne peut pas comprendre. Vous l'écoutez, vous l'oubliez. Il va rester une légèreté.

 

Vous n'avez pas de place dans la liberté. Il faut vraiment le comprendre : on ne peut pas devenir libre. Il faut laisser ça à l'Inde traditionnelle. L'Inde est un pays de symboles, d'analogies. Ce qui est formulé en Inde dans les textes, dans l'Islam ou ailleurs, ce sont des portes : ça parle de ce qui est derrière la porte. On ne peut pas parler de ce qui est derrière la porte, alors on crée des goûts, des sons, des proportions qui pointent vers ça : un temple, une proportion musicale, un mouvement de danse. Ça pointe vers ce qu'on ne peut pas penser, comprendre, ressentir. Vouloir être libre, c'est la prison. La liberté n'a pas de place pour quelqu'un de libre. On ne peut pas devenir libre : c'est très important, sur un certain plan, de comprendre cela. Sinon, il y a toujours une tension, toujours un dynamisme vers la liberté, toujours une insatisfaction. C'est une forme d'affront à la divinité de penser qu'il y a une quelconque autonomie.

 

A suivre...

Source: notefish.com

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 17:03

Voici les premières pages d’un document très intéressant d’Arnaud Desjardins à propos du  Zen et sa filiation au vedenta (enseignement non-duel) : Commentaire du Sin-sin-ming

 

 

EN LISANT, lors de sa parution en 1970, dans la revue Hermès, volume 7, la traduction du Sin-sin-ming écrit par Seng-Ts'an, troisième patriarche du Tch'an après Boddhidharma, je fus frappé par la similitude de cet enseignement avec celui du vedanta tel que je le découvrais à travers un maître bengali, Swâmi Prajnânpad.  Quelques années plus tard ont été enregistrées les remarques que ce traité – aussi célèbre que concis m'a amené à faire devant un petit groupe de personnes. C'est donc une interprétation védantique du  « manifeste » fondamental du Tch'an – donc du zen – que les Éditions de La Table Ronde vous présentent aujourd'hui. Il y a de grandes variations entre les différentes traductions, que celles-ci soient faites à partir du texte chinois ou de sa version japonaise. Je m'en suis tenu à celle d'Hermès par L. Wang et Jacques Masui.

 

1 -  La grande Voie n’a rien de difficile, mais il faut éviter de choisir! Soyez libéré de la haine et de l’amour : elle apparaîtra alors dans toute sa clarté!

 

La grande Voie n'a rien de difficile mais il faut éviter de choisir. Signalons tout d'abord que la tradition du Tch'an ou du zen se caractérise par un extrême dépouillement si on la compare aux méthodes beaucoup plus complexes offertes par certaines traditions et qui peuvent paraître d'un abord difficile, comme le bouddhisme tantrique tibétain par exemple avec son symbolisme ardu des différentes divinités. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que la grande voie est parfaitement simple. Elle peut paraître difficile parce que le mental, lui, n'est que complexité. Mais la voie en elle-même, si le mental n'était pas empêtré dans ses contradictions et ne sécrétait pas sans arrêt des doutes, se-rait aisée.

 

Or, aussi étrange que cela puisse paraître pour nous qui sommes imprégnés de l'idée du libre arbitre et donc de celle du « choix » qui en découle, le grand facteur de complication du mental, c'est sa capacité à « choisir » en fonction de ses opinions et conceptions subjectives enracinées dans l'inconscient. C'est pourquoi il est dit : Il faut éviter de choisir. Cette formulation ne peut être que déroutante pour  les Occidentaux modernes que nous sommes, imbus de leurs opinions, qui ont fondé leur existence sur un prétendu libre choix. « Je choisis le bien contre le mal. » Et, à partir de là, on peut se griser de belles paroles. Lors de la révolution russe, les bolchéviques ont choisi le bien contre le mal, mais les chrétiens orthodoxes dont les conceptions étaient diamétralement opposées choisissaient aussi, de leur côté, le bien contre le mal. La grande Voie consiste en une vision lucide de la réalité telle qu'elle est, sans prendre parti, sans « choisir ». Cela n'exclut pas l'action, la réponse appropriée à la situation, pourvu que cette action libre et spontanée ne découle pas d'opinions, de parti pris et de préjugés qui l'entachent.

 

On peut donner un sens encore plus précis à cette parole : « Il faut éviter de choisir. » Nous avons pris l'habitude, depuis l'enfance, de choisir la moitié heureuse de l'existence et de refuser la moitié douloureuse, de rechercher ce que nous considérons comme agréable et de fuir ce que nous considérons comme pénible : nous ne connaissons donc qu'une moitié de l'existence, nous n'avons que la moitié des données du problème. Swâmi Prajnânpad disait : « Do you want half life or full life ? » voulez-vous la moitié de la vie ou la vie totale? – et aussi « Can you miss the fullness of life? », pouvez-vous manquer la plénitude de la vie?

 

Soyez libéré de la haine et de l'amour et elle apparaîtra dans toute sa clarté. A première vue, cette affirmation n'est pas compréhensible. Nous sommes d'accord pour penser qu'il faut être libéré de la haine mais surtout pas être libéré de l'amour. En vérité, quel sens donnons-nous au mot « amour »? Il s'agit bien sûr ici du dépassement des émotions pour atteindre une vision qui n'a pas de contraire. Le Sin-sin-ming dans son intégralité nous invite à la vérité suprême, une vérité « non duelle » située au-delà de l'amour ordinaire qui n'est que l'opposé de la haine, du bonheur qui est simplement l'inverse de la souffrance. On pourrait traduire par : « Soyez libéré de l'attraction et de la répulsion », restez au centre, dans l'axe, avec cette vision nouvelle, révolutionnaire de la réalité qui n'est plus appréhendée d'un point de vue dualiste.

 

 

2- S’en éloigne-t-on de l’épaisseur d’un cheveu, c’est comme un gouffre profond qui sépare le ciel et la terre. Si vous désirez la trouver, ne soyez ni pour ni contre!

 

Le ciel et la terre, dans toutes les traditions, ont à peu près le même sens symbolique. « Que Ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel. » Les Évangiles sont fondés sur la reconnaissance d'un niveau ciel et d'un niveau terre, tout en proposant que s'efface cette séparation entre le ciel et la terre. Le Royaume des Cieux est « au-dedans de nous », donc est déjà ici-bas, sur cette terre. Et pourtant il existe bien deux niveaux : le niveau terre livré au Prince de ce Monde (ici, je n'utilise plus la formulation chinoise mais le langage évangélique) et le niveau ciel. S'en éloigne-t-on de l'épaisseur d'un cheveu, c'est comme un gouffre profond qui, de nouveau, sépare le ciel et la terre. Si, au lieu d'être libéré de l'attraction et de la répulsion, on réintroduit les polarités « agréable-désagréable », « j'aime-je n'aime pas », un gouffre profond sépare le ciel – la paix, la sérénité, la compréhension, la certitude, l'amour immuable – et la terre – la contradiction, la peur, le désir, la frustration. Autrement dit, l'adhésion à la réalité telle qu'elle est, composée de ce que nous aimons et de ce que nous n'aimons pas, doit être une adhésion à cent pour cent. Une adhésion à quatre-vingt-dix-neuf pour cent laisse « l'épaisseur d'un cheveu » entre la vérité et nous. Et un gouffre profond, de nouveau, sépare le « ciel » auquel nous aspirons et la « terre » avec son cortège de souffrances et son lot d'insécurité.

 

Si vous désirez la trouver (la grande Voie), ne soyez ni pour ni contre rien! Là encore, je sais bien, en tant qu'Occidental, combien cette proposition est inhabituelle pour la mentalité moderne qui consiste à être toujours pour ou contre quelque chose. Si vous êtes pour la Droite, vous êtes contre la Gauche; si vous êtes pour la liberté des moeurs, vous êtes contre le Vatican. Et l'intelligence, ou plutôt le mental, a, dans ces domaines, des arguments qui nous paraissent tout-puissants, impossibles à mettre en cause. « Je suis médecin, Monsieur, vous me permettrez de mettre l'homéopathie en doute. » « Je suis médecin, Monsieur, bien placé pour savoir l'efficacité de l'homéopathie. » Justement, parce que ces enseignements sont scandaleuse-ment inhabituels, il est intéressant de constater qu'au 7ème siècle un texte venu jusqu'à nous comme un des plus importants pour tout l'Extrême-Orient (non seulement la Chine mais aussi la Corée et le Japon) disait en chinois ce que le vedanta enseigne aussi : ne soyez ni pour ni contre rien.

 

De nouveau, nous retrouvons l'attraction et la répulsion, la dualité fondamentale entre ce que j'aime et ce que je n'aime pas, ce que je veux et ce que je refuse. Et c'est vrai que le sage n'est ni pour ni contre rien. S'il est malade, il se soigne, bien sûr, mais à partir de cette neutralité, de cette équanimité, qui nous est tellement incompréhensible dans un monde où la vie consiste à prendre parti – et prendre parti émotionnellement.

 

 

3- Le conflit entre le pour et le contre, voilà la maladie de l’âme! Si vous ne connaissez pas la profonde signification des choses, vous vous fatiguerez en vain à pacifier votre esprit.

 

Le conflit entre le pour et le contre, voilà la maladie de l'âme. C'est la même idée qui se poursuit mais en voici une autre qui nous intéresse : Si vous ne connaissez pas la profonde signification des choses, vous vous fatiguerez en vain à pacifier votre esprit. Ce qui est traduit par « les choses » dans ce texte correspond à ce que les hindous appellent This phenomenal world, le monde manifesté dans la multiplicité. Voilà deux petites lignes qui abordent un thème essentiel : savoir s'il faut chercher l'atman pour que toutes les limitations et les tensions s'effacent ou si, au contraire, quand les désirs, les peurs, les impressions qui nous ont marqués, tout ce qui nous limite se sera effacé, le Soi suprême se révélera.

 

Si vous ne connaissez pas la profonde signification des choses, c'est-à-dire si vous n'avez pas affiné votre compréhension de la réalité relative, du monde phénoménal, si vous ne connaissez que l'apparence, la surface –  apparence et surface que vous percevez d'autant plus mal qu'elles sont dé-formées aussi par vos projections inconscientes – si vous n'avez pas résolu la question de votre relation avec le monde manifesté, si vous n'avez pas découvert le secret de ce monde manifesté, l'essence derrière l'apparence, vous vous fatiguerez en vain à pacifier votre esprit. Vos méditations seront des méditations non pas de détente mais d'effort : je m'épuise à rester immobile, à ne pas bouger, à pacifier mon esprit, autrement dit à faire silence au milieu du vacarme.

 

Certains disent : « Cherchez directement la Réalité ultime et quand vous aurez découvert cette “vie éternelle”, le monde entier perdra sa fascination pour vous. » L'approche pratique est inverse : quand le monde phénoménal aura perdu sa fascination pour vous, vous serez mûr pour l'illumination intérieure. Quand tous les désirs sont tombés, le Soi se révèle, exactement comme les fruits se détachent de l'arbre quand ils sont parvenus à maturité.

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Vous pouvez télécharger le fichier complet en PDF à cette adresse.

 

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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 21:51

Bien que durant des années j’ai pratiqué, que je me suis appliqué dans différentes méthodes pour m’éveiller, à l’instant même de la réalisation, j’ai reconnu qu’elle n’était pas la conséquence de tout cela. L’éveil est spontané et inconditionnel. C’est l’évidence simple de notre nature enfin acceptée. Pour le dire autrement, la vérité est déjà vraie. Notre nature, c’est notre nature. Toutes nos gesticulations dans l’illusion ne sont qu’une façon de prolonger notre cécité en retardant “l’effondrement” d’un jeu qui est vide. En adaptant un dicton célèbre, je dirai : « Le chemin de l’illusion est pavé de bonnes intentions ».

 

J’ai de la gratitude pour la vérité universelle qui m’a rejoint dans la faiblesse et la maladie. Souveraine, elle s’est imposée et m’a donné à reconsidérer les voies basées sur l’idée d’un “chemin spirituel”. En fait, plus nous cheminons et plus le but s’apparente à une ligne d’horizon que l’on ne rejoint jamais. Dans l’illusion, le plus souvent, nous avons le pouvoir d’investir encore du temps, de l’argent, de la santé et de la jeunesse pour notre libération. Cependant, cela est un grand luxe, une forme de privilège et ironiquement une façon habile de repousser la vraie confrontation. Je ne pense pas non plus qu’il nous faut vivre des situations extrêmes ou des drames pour comprendre. Dans mon cas, ce n’est pas grâce à la maladie. Elle n’a fait que me stopper dans mes extravagances spirituelles et changer de regard. Bien des gens traversent des malheurs, mais tous n’en retirent pas les mêmes leçons.

La seule chose qui selon moi peut nous aider pour l’éveil, c’est l’honnêteté avec nous-mêmes. Si, comme nous le pensons la vérité existe, alors qu’en est-il ? Cette vérité est-elle vraie ou bien doit-elle le devenir ? Comment cette vérité serait-elle plus vraie demain ! ? Ne s’agit-il pas plutôt chez nous d’une façon de tergiverser et de ne pas faire face à l’évidence ? Nous prétendons vouloir l’éveil, mais d’un autre côté nous ne sommes pas vraiment décidés à cesser de nous illusionner. Tant que nous nous racontons et “consommons” des histoires, que nous nous employons à les embellir, nous ne permettons pas de nous laisser rejoindre par la vérité inconditionnelle, déjà vraie, déjà là qui nous attend.

Denis Marie

Source : http://www.denismarie.net

 
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5 novembre 2010 5 05 /11 /novembre /2010 22:07

Les excellents documents ci-dessous ont le mérite d'aborder la non-dualité par le versant "scientifique" et d'être beaucoup plus explicites que bien des discours  métaphysiques trop "abstraits". Le concept d'univers holographique rend tout à coup  très concrète l'unité universelle. Il nous aide sans aucun doute à renoncer à l'ancien paradigme qui voit le monde comme une grosse horloge saptio-temporelle. Les idées avancées ci-dessous sont tout à fait compatible avec celles du Cours en miracles. Si cela peut le rendre plus accessible et moins effrayant pour les esprits hyper-rationnels, tant mieux. A ce titre, je me suis permis de colorer en rouge les passages particulièrement significatifs.

Christalain

 

 

 

Michael Talbot (1953-1992), a été l’auteur de nombreux livres ayant des parallèles avec l’ancien mysticisme, la mécanique quantique, et embrassant un modèle théorique de la réalité qui suggère que le l’univers physique est semblable à un géant hologramme. Dans L’Univers Holographique, Talbot s’est référé à de nombreux travaux de David Bohm et Karl Pribram, et il est évident que les influences de David Bohm et Karl Pribram combinés ont largement été la pierre angulaire sur laquelle Talbot a fondé ses idées.

L’Univers Holographique

En 1982, un événement remarquable s’est produit. A l’Université de Paris une équipe de recherche dirigée par le physicien Alain Aspect, a accompli ce qui pourrait être l’une des expériences les plus importantes du 20ème siècle. Vous n’avez pas dû entendre parler de ce sujet aux informations. En fait, à moins que vous n’ayez l’habitude de lire des magazines scientifiques vous n’avez probablement jamais entendu parler du nom d’Aspect, sachant aussi que certains pensent que sa découverte pourrait changer le visage de la science.

L’expérience d’Aspect est apparentée à celle de l’EPR, expérience sur la conscience élaborée par Albert Einstein et ses collègues Poldsky et Rosen, qui avait pour but de contredire la mécanique quantique du principe d’exclusion de Pauli, contredisant lui la relativité spéciale. Aspect et son équipe ont découvert que pour une certaine raison, les particules subatomiques telles que les électrons, sont instantanément capables de communiquer entre eux, même s’il y a une distance qui les sépare. Peu importe s’ils sont à 10 ou 10 milliards de miles.

Il semble que chaque particule ait la possibilité de savoir ce que l’autre est en train de faire. Le problème avec cet exploit, est qu’il viole le principe longtemps gardé d’Einstein, disant qu’aucune communication ne peut se faire plus vite que la lumière. Comme voyager plus vite que la lumière équivaudrait à casser la barrière du temps, cette espoir décourageant a amené quelques physiciens à élaborer des manières pour expliquer les découvertes d’Aspect. Mais cela en a amené d’autres à trouver des explications plus radicales.

Le physicien David Bohm de l’Université de Londres, par exemple, croit que les découvertes d’Aspect impliquent que la réalité objective n’existe pas, que malgré son apparente solidité, l’univers est au cœur d’un fantasme, un gigantesque et détaillé splendide hologramme. Pour comprendre pourquoi Bohm fait ces saisissantes déclarations, vous devez d’abord en savoir un peu plus sur les hologrammes. Un hologramme est une photo en trois dimensions faite à l’aide d’un laser. Pour faire un hologramme, l’objet photographié doit baigner premièrement dans la lumière d’un rayon laser. Ensuite, un second rayon laser est rebondi sur la lumière reflétée du premier rayon et le résultat de l’interférence du motif (la partie où les deux rayons du laser se rejoignent) est capturée sur un film.

Quand le film est développé, il a l’air d’un tourbillon de lumière et de lignes noires sans significations. Mais dès qu’il est éclairé par un autre rayon laser, une image en trois dimensions de l’objet original apparaît. La trois-dimensionnalités de telles images, n’est pas le seul aspect remarquable des hologrammes. Si l’hologramme d’une rose est coupé en deux et ensuite éclairé par un laser, chaque partie comportera l’image entière de la rose. En effet, même si les parties sont encore divisées, chaque fragment du film comportera toujours une version plus petite mais intacte de l’image originale. Contrairement aux photos normales, chaque partie d’un hologramme contiendra l’information de la totalité.

La nature de « la totalité de chaque partie » d’un hologramme nous apporte une toute nouvelle façon de comprendre l’ordre et l’organisation. Pendant toute son histoire, la science occidentale a expérimenté avec l’idée que la meilleure façon de comprendre un phénomène physique, qu’il s’agisse d’un atome ou d’une grenouille, était la dissection et l’étude des parties représentatives. Un hologramme nous apprend que quelque chose dans l’univers n’en viendra pas lui-même à cette approche. Si nous essayons de séparer quelque chose construit homographiquement, nous nous retrouverons pas avec une partie de ce quelque chose, mais avec la totalité de la chose en plus petit.

Cet aperçu a fait suggérer à Bohm une autre façon de voir la découverte d’Aspect. Bohm croit que la raison pour laquelle les particules subatomiques sont capables de rester en contact avec d’autres peu importe la distance qui les séparent, n’est pas parce qu’elles envoient une sorte de mystérieux signal en partant et en y revenant, mais parce que leur séparation est une illusion. Il soutient qu’à un niveau plus profond de réalité, de telles particules ne sont pas des entités individuelles mais sont en fait des extensions de la même base.

Cette connexité de base corrélerait avec le 5ème élément et prouverait mathématiquement que tous les aspects de l’univers sont énergétiquement reliés – ce que déclare Hal Puthoff dans ses travaux sur l’énergie Zéro-Point disant que toutes les charges de l’univers sont connectées et que l’idée d’une masse n’est en fait qu’une illusion – et que ces deux théories actuelles de la physique sont en accord avec les anciennes traditions et philosophies, lesquelles revendiquent la même connexité des diverses parties de l’univers.

Pour permettre aux gens de mieux visualiser ce qu’il veut dire, Bohm utilise l’illustration suivante. Imaginez un aquarium dans lequel il y a un poisson. Imaginez aussi que vous n’êtes pas capable de voir l’aquarium directement et que votre connaissance de ce qu’il contient vient de deux téléviseurs, l’un directement connecté sur l’avant de l’aquarium et l’autre sur son côté. En regardant ces deux écrans, vous supposeriez que le poisson sur chaque écran est une entité séparée. Après tout, comme les appareils sont placés à des angles différents, chacune des images sera légèrement différente. Mais quand vous continuez à regarder les deux poissons, vous prendrez finalement conscience qu’il y a une certaine relation entre eux. Quand l’une tourne, l’autre fait de même légèrement en correspondance ; quand l’une est dirigée vers le devant, l’autre se dirige toujours vers le côté. Si vous n’êtes plus conscient de la totalité du champ de la situation, vous conclurez même que les poissons communiquent instantanément l’un avec l’autre, mais ce n’est évidemment pas le cas.

.../...

La suite de ce texte dans la rubrique "Documents-synthèses".

Merci à Mireille pour ce partage 

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18 juin 2010 5 18 /06 /juin /2010 21:25

Question : Qu'entendez-vous par acceptation ?

 

Wayne : Lorsque vient l'acceptation, cela coupe l'implication et il y a la paix. Ce n'est pas la paix momentannée obtenue par la satisfaction d'un désir. Et ce n'est pas non plus la paix de l'oubli. Il s'agit plutôt de la paix au centre de la tempête, l'oeil du cyclone. Tout autour il y a le tumulte tourbillon de la vie, mais dans l'oeil du cyclone règne la paix, la quiétude. L'acceptation dont je parle est synonyme de cette paix et de cette quiétude.

 

Donc, ayant remarqué cela, tout ce qui nous reste à faire, c'est accepter. (rire) C'est si simple. Ce n'est pas grand-chose n'est-ce pas ? Peut-être avez vous remarqué que l'acceptation est imprévisible. Vous ne pouvez la provoquer vous-même! En dépit de vos meilleures intentions, de vos plus valeureux efforts, l'acceptation a le chic pour vous glisser entre les doigts. L'acceptation survient, comme le fait la non-acceptation. Elle survient. L'acceptation peut surgir à tous instants et sans avertissements, sans préparation.

Mais vous ne pouvez la fabriquer. Et reconnaître que vous ne pouvez la fabriquer, est en soi l'acceptation. L'acceptation peut surgit à n'importe quel moment et interrompre l'implication horizontale. Et l'interruption horizontale est la paix. Maintenant, si la compréhension intellectuelle a une quelconque valeur, c'est qu'elle peut envahir l'esprit et induire l'acceptation, en même temps que la compréhension que TOUT EST CONSCIENCE, que tout ce qui se produit ne pouvait être autrement. Ceci n'est pas pour dire que cela ne vas pas changer dans la minute qui suit. Mais en CET INSTANT PRÉCIS, il ne pouvait en être autrement. Et reconnaitre cela est acceptation, la reconnaissance que CECI EST, est la paix.

 

Ceci n'a rien à voir avec l'approbation. Je ne suis pas en train de dire que vous devez aimer ce qu'il se passe. L'acceptation peut embraser quelque chose de tout à fait horrible, de tragique, de douloureux. Et au milieu de l'horreur, de la douleur, ilpeut y avoir la paix. Et la paix se trouve dans l'acceptation, dans la reconnaissance que CELA EST, en cet instant.

 

 Quand cela se produit, nou disons que c'est la Grâce. Cette compréhension, cette acceptation, cet arrêt de l'implication, cette paix, est la Grâce. Remarquez que "Grâce" est bien sûr un terme spirituel pour dire "bonne fortune"! (rire). Lorsque les choses vont dans notre sens, lorsqu'elles nous procurent quelque chose de personnellement satisfaisant, nous disons que c'est la Grâce. Quand c'est horrible, nou disons que c'est la volonté de Dieu. (rire). Mais la chose importante au sujet de l'un ou l'autre de ces termes tient dans la reconnaissance que "je ne l'ai pas fait". Je, en tant qu'agissant séparé, ne l'ai pas fait. Il y avait là à l'oeuvre  un agent étranger à ma petite volonté.

 

Lorsque j'ai fait la rencontre de Ramesh  (ndlr : Balsekar), et qu'il parlait de cela, j'ai trouvé ca incroyablement libérateur car la plupart des enseignements que j'avais rencontré jusque-là semblaient flotter dnas une sorte de vide qui ne prenait pas CECI en compte. CECI, cette vie, cette activité quotidienne, cet "aller au travail, faire l'amour, crier après le chien, prendre un repas" et toutes ces choses-là, était, en quelque sorte profane, comparé à la présence spirituelle exaltée.  D'un manière ou d'une autre, tout aspect spirituel était oté à CECI. Or ce qu'avancait Ramesh de façon très claire, c'était que CECI était sacré. La manifestation sous tous ses aspects, à la fois positifs et négatifs, ceux que l'on aime et ceux que l'on aime pas ; ceux qu'on approuve et ceux que l'on n'approuve pas, ceux que l'on changerait volontiers et les autres, que l'on ne changerait pour rien au monde. Chacune de ses choses, chaque facette de la manifestation phénoménale est sacrée et porte en elle l'empreinte de Dieu.

 

Ramesh était un banquier. Un banquier! Il vivait dans le monde. Il était marié. Il avait des enfants. Sa spiritualité était une spiritualité qui embrassait tout CECI dans son entier. Et cela avait du sens pour moi, cela résonnait en moi, cela sonnait juste en moi. Je n'étais pas intéressé par une spiritualité qui m'aurait commandé d'aller me retirer dans une grotte, d'aller me faire ronger les chairs par de la vermine pour attester combien j'étais spirituel. Cela semblait ridicule. Et c'est ridicule si c'est fait délibérément fait pour atteindre quelque chose.


Il y avait un maitre zen, largement cité qui enseignait : "Vous coupez du bois et portez de l'eau". J'en suis venu à comprendre qu'il parlait du travail quotidien. De nos jours, eau et chauffage sont fournis. Votre travail, c'est d'aller martelier les touches d'un clavier d'ordinateur. Votre travail, c'est d'apprendre quelque chose à un groupe de gens. Votre travail c'est d'aller extraire du pétrole. Quel que soit votre travail, ce,st couper du bois et porter de l'eau, c'est faire CECI. C'est faire la vie. Dieu est ici. Ici même. En cet instant, en ce lieu. Vous n'avez pas nécessairement besoin de vous précipiter en Inde! Dieu soit loué! (rire tonitruant).

 

En fait, ce matin quelqu'un m'a demandait ce qui avait changé après que ce sens de l'agir personnel se fut évanoui. De quoi s'agissait-il? Qu'en était-il ? Franchement, quand cela s'est produit, le sentimenet le plus clair était que littéralement, rien ne s'était passé. Très profondément, RIEN NE S'ÉTAIT PRODUIT. Et cette illumination tant désiré n'était pas quelque chose. C'était littéralement rien. Six ou huit mois plus tard j'étais en Inde avec Ramesh, parlant de cette affaire d'illumination, et je lui ai dit: "Vous savez, si quelqu'un devait me demander "Etes-vous illuminé?", je crois que je devrais répondre non" Et il enchaîna : "Il vous faudrait répondre Non, mais il y a Compréhension ici". C'était la tournure de phrase parfait. Non, Il n'est pas d'individus illuminés. Mais il y a ici la Compréhension. Pas ici (pointant son index vers son corps) Là! (Pointant l'espace immédiatement devant lui, avec un geste descendant de la main, les cinq doigt réunis). Et cette Compréhension se manifeste, est rendu palpable, dans la relation avec celui qui est en Résonnance, découvre cette connexion. La existe le Gourou. Le Gourou est créé dans cette relation. En l'absence de cette relation, il y a simplement un mécanisme corps-mental, semblable à n'importe quel autre, qui traverse sa journée faisant ce qu'il fait, agissant selon sa nature, réagissant selon sa nature. Le Gourou existe uniquement dans la relation avec le disciple. Autrement il n'y a pas de Gourou.

 

Source :  Livre, l'accueil de l'évidence de Wayne Liquorman.

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4 juin 2010 5 04 /06 /juin /2010 21:35

Ce texte est l'épilogue d'un entretien entre Ramesh  BALSEKAR  et Chris PARISH. Faute de place, je ne l'ai pas reporté ici, mais vous conseille chaudement de le lire intégraglement ici :

 http://www.enlightennext.org/magazine/fr/j20/balsekar.asp

 

"Comme je passai devant le gardien en trébuchant, me trouvant dans les rues animées de Bombay, mon esprit était pris dans un tourbillon. Tout en me frayant un chemin à travers la foule, je me demandai comment il était possible qu’un homme intelligent et éduqué comme Ramesh Balsekar, put réellement croire que tout est prédestiné, que même avant notre naissance, notre destin est déjà gravé dans une sorte de granite éthéré ? Peut-il vraiment être sérieux quand il insiste sur le fait que notre vie entière, avec son flot incessant de choix, de décisions et d’opportunités hasardeuses qui dirigent le cours de notre vie pour le meilleur ou pour le pire, n’est en fait, depuis le premier souffle, qu’un fait accompli?

 

En traversant le trottoir à la recherche d’un café pour me réfugier du chaos, les tournants difficiles de notre court dialogue tourbillonnaient dans ma tête. Oui, « que Ta volonté soit faite » est l’essence de la plupart des religions, pensai-je, mais pour les grands mystiques et sages qui ont énoncé de telles paroles à travers l’histoire, la soumission à la volonté de Dieu signifiait beaucoup plus que la simple acceptation qu’il n’y a rien que personne puisse faire pour changer les circonstances de sa vie. Bien sûr traditionnellement la « volonté de Dieu » est ce que l’on nomme ce que l’on découvre une fois que l’ego a été complètement abandonné, une fois que toutes les motivations égoïstes ont été éteintes, ne laissant qu’un être complètement soumis à la volonté de Dieu, quelle qu’elle soit ! Que Jésus, ou Ramakrishna, ou Ramana Maharshi disent être soumis à la volonté de Dieu est une chose. Mais dire que c’est vrai pour tout le monde me semblait, à ce moment, être le reflet d’une forme de folie particulière et même dangereuse - une forme qui pouvait être utilisée pour justifier les comportements les plus extrêmes. La phrase de Balsekar, « Ce que vous pensez devoir faire dans n’importe quelle situation est précisément ce que Dieu veut que vous pensiez devoir faire » signifie qu’un éveillé comme le Bouddha n’exprime guère plus la volonté de Dieu qu’un meurtrier en série s’attaquant à sa prochaine victime.


J’étais arrivé à cet entretien avec le pressentiment que nous aurions un certain désaccord, mais même les livres de Balsekar – dans lesquels toutes ses idées sont clairement exprimées et répétées - ne m’avaient pas préparé à la rencontre avec l’homme lui-même. Comment avait-il pu concocter tout cela, me demandais-je. Et pourquoi ? Mes pensées tournaient en rond. Je me remémorais tout ; depuis sa terrifiante revendication que même si nous blessons quelqu’un n’étant pas responsables de nos actions nous n’étions pas coupables, que même « Hitler n’était qu’un instrument à travers lequel les événements horribles qui devaient arriver sont arrivés » ; jusqu’à sa prétention, en dépit de tout bon sens, que nous n’avons pas le pouvoir de contrôler nos comportements ni d’influencer le comportement d’autrui. Et tout cela dans une description qui tient de la science-fiction des êtres humains comme « organismes corps-esprit » qui agissent uniquement selon leur « programmation ».


Soudain je vis à travers le brouillard l’enseigne accueillante d’un salon de thé. Entrant dans ce lieu, j’étais soulagé d’y trouver la sorte de calme oasis que j’espérais. C’était là, à une des nombreuses tables vides, alors que la première gorgée de thé au lait douceâtre passait mes lèvres, que je compris tout en un éclair. Je ne buvais pas de thé ! Je n’étais pas assis à cette table ! En fait, je n’étais pas celui qui était entré dans ce salon de thé. Et je n’étais pas celui qui venait de passer une heure à se tourmenter en discussion avec un homme qui à présent commençait à m’apparaître comme le seul être raisonnable. En fait, ce n’avait jamais été moi qui agissais. C’était comme si un fardeau que j’avais porté toute ma vie avait tout d’un coup été soulevé par un ballon d’air chaud, balayé pour ne plus jamais revenir.

 

Toutes ces années, je m’étais battu pour devenir un être humain meilleur, plus honnête et plus généreux - tous ces efforts que pour renoncer à mes tendances égoïstes et agressives, à mon sentiment de supériorité – tout cela n’avait été que pure folie, et bêtise inutile fondées sur l’idée égocentrique que j’avais quelque contrôle sur ma propre destinée, et sur la présupposition ridicule que ce que j’avais fait subir aux «autres » avait une quelconque importance. Comment pouvais-je m’être autant égaré ? Mais attendez, ce n’était même pas moi qui m’étais égaré ! Soudain, comme lorsque les nuages s’ouvrent, je pouvais voir clairement que, ce que j’avais considéré comme « ma vie », n’étais en fait qu’un processus mécanique. La personne que je pensais être n’était qu’une machine. Et le monde dans lequel je pensais vivre n’était pas, comme je le croyais, d’une complexité humaine, mais d’une simplicité mécanique, d’un ordre parfait, un déroulement mathématique de programmes mis en mouvement au commencement des temps.


Alors que la perfection clinique du plan scientifique de Dieu se révélait à moi, un frisson extatique de liberté absolue – être libre de tout soucis, de soin pour les autres, d’obligation, de culpabilité ! – se mit à parcourir mes veines comme un torrent libéré de ses barrages. Cela s’accompagnait d’une immense paix qui m’enveloppa, et de la cessation absolue de toute tension, dans cette reconnaissance que, quelle que soit l’apparente ambiguïté ou le sentiment d’insécurité que je pourrais rencontrer, dorénavant je pourrais rester assuré que quelles que soient les décisions difficiles auxquelles j’aurais à faire face, le choix que je ferais serait exactement celui que Dieu voudrait. La sensation mystérieuse d’un Inconnu qui me tiraillait depuis si longtemps s’était évaporée. J’éclatais de rire, un long rire guttural qui fit tourner la tête des clients du salon de thé, et je me dis quel jeu fantastique serait la vie si tout le monde comprenait comment tout cela fonctionne vraiment, si tout le monde pouvait au moins entrevoir un bref instant combien nous serions libres, si nous vivions tous sur la Planète Advaita ".

 

Chris PARISH.

 

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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 20:30

Seeker's LeapSans adhérer complètement à cet article qui noircit la tableau, je pense toutefois qu’il remet certaines pendules à l’heure. Il est en effet relativement facile de jongler avec les mots et faire croire qu’on a atteint la paix absolue inhérente au concept « néo-non-duel ». Nul doute que bien des témoins vivent effectivement cette paix profonde et durable, mais ce n’est pas forcément une généralité. De plus, il existe un danger de croire qu’une expérience est transposable, exportable d’une personne à l’autre, et qu’il suffit de la décrire avec des mots pour la valider comme vérité « certifiée conforme » au principe non-duel.

 

A tous ceux qui clament haut et fort « qu’il n’y a personne pour expérimenter quoi que ce soit et il qu'il n’y a rien à faire ». Je souhaite leur dire : « Peut-être en effet, mais passons une journée ensemble pour voir si vous incarnez cela dans votre attitude quotidienne, au delà de  « l’écran » de votre ordinateur ». Dire ce qu’on pense vrai est une chose, le penser vraiment en est une autre, le vivre en est encore une autre. Je m’inclus bien sur aussi dans cette observation, ayant encore beaucoup à intégrer. C’est pour cette raison que je privilégie les rencontres sur le terrain. C’est le seul véritable test de notre assimilation de la "vérité" qu’on exprime virtuellement.

 

Christalain

 


Le mouvement non-duel est investi par la peur. 

 

Les forums spécialisés sur Internet et certains commentaires à la sortie des Satsang donnent la mesure d'une douloureuse confusion qui règne dans cet enclos fermé. La confusion repose sur une terreur d'être qui tente de se travestir en accomplissement spirituel. Les victimes de la pensée non-duelle (c'est-à-dire, de la compréhension intellectuelle qu'elles ont de la non-dualité) connaissent par coeur tous les principes, toutes les formules qui servent alors la fuite de soi, dans une attitude "impersonnelle" qui s'avère être une coupure volontaire avec la condition humaine, troublante et mal-aimée.

 

À entendre certains des adeptes, il n'y a "plus personne", par exemple. Ce tour de passe-passe verbal ne parvient pourtant pas à cacher la crispation perceptible ni  les colères rentrées qui se bousculent derrière le paravent de l'équanimité et du mimétisme. Beaucoup clament haut et fort qu'ils sont en contact avec "ce qui est là". Mais "ce qui est là" est très souvent autre chose que "ce qui est là". Il est vrai que beaucoup d'enseignants, en utilisant une expression semblable, ne désignent en fait pas "ce qui est là", mais ce qui est derrière ce qui est vraiment là. Finalement, on n'y est jamais, tout en prétendant y être parce que le réel a toujours un R majuscule, il est toujours au-delà, et finit par perpétuer la distance, la séparation ... avec "ce qui est vraiment là". Certains s'inventent une Paix qui n'est jamais vraiment vécue, simplement parce qu'ils ont entendu "qu'elle est déjà là".

 

J'ai rencontré des dizaines d'adeptes de la non-dualité et la plus grande partie d'entre eux sont enfermés dans un système fallacieux de détachement, de spiritualité mentale, de négation et d'arrogance, possédant une maîtrise parfaite du langage tout en manifestant une grande réactivité à chaque fois que l'on approche de leur sensibilité. Cette fuite pathétique et déchirante demande à être éclairée car la perspective non-duelle, dans son inspiration la plus pure, n'est pas une mascarade. Elle invite à l'abandon des masques. Les avantages apparents du masque non-duel sont dérisoires à l'égard de ce que la sagesse non-duelle désigne comme l'avènement d'une réalité vivante. 

 

Dans les cercles non-duels, l'émotion est un "no-man's land" gardé par d'austères cerveaux blindés. Comment se produit un tel glissement ? Après avoir subi les nombreux détours de la quête spirituelle, le chercheur, désespéré de n'être pas parvenu à éliminer ces émotions et ces tourments si envahissants, rencontre cette "pensée" qu'est devenue la non dualité, et qui lui offre un apaisement sous la forme d'un tranquillisant mental.


La question clé de l'adepte non-duel : "Qui suis-je ?" est ainsi  interprétée comme niant cette "humanité" troublante dont les chercheurs spirituels veulent compulsivement se défaire.  Il ne s'agissait bien sûr pas d'exclure quoi que ce soit.  Ne pas exclure ne signifie pas rester identifier mais nous devons comprendre que la volonté farouche d'ignorer un versant quelconque de l'existence est une fuite. Cela devient alors un jeu intellectuel. 

 

Il y a en fait "une voie du milieu". Le tourment de l'incarnation doit être accueilli, sans quoi nous ne faisons que nier une évidence qui se charge d'ailleurs de venir nous courtiser à tout instant. La réponse à "Qui suis-je ?" peut inciter celui qui en fait un dialogue mental à entretenir une position de refus. Le comportement de cette victime de la spiritualité mentale cherche alors à ressembler à l'idée qu'elle se fait de la paix et de l'équanimité. Elle se conforme à des images mentales, des fantasmes.

 

Il suffit parfois d'aller serrer la main du petit bonhomme qui se cache derrière le paravent, pour retrouver une fraîcheur muselée... et un soulagement infini. Parce que ce qui est possible, là, tout de suite, c'est d'être avec ce qui est. Qui suis-je ? Celui qui accueille. Ce qui est accueilli n'est pas en cause. Jamais. Le chercheur, lui, veut créer des états particuliers et se met à distance ("je ne suis pas cela", "il n'y a personne") de ce qu'il n'aime pas.  "Etre avec" révèle la véritable nature de la non-dualité. Car si on peut affirmer qu'elle est "déjà là", il ne suffit pas de le dire sur un lit de fuite, de terreur et de mensonges pour que notre nature soit une réalité vivante.


Thierry VISSAC

 

Source : http://www.istenqs.org

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