Comme toutes les fins d’hivers ou les débuts de printemps, voici venue une petite période de lassitude, de fatigue et de remise en question. Chaque année les symptômes se ressemblent mais chaque années ils sont un peu différents, et mieux compris finalement. Dans la collection « Printemps 2011 », le défilé des outrages à l’ego est à l’honneur, sous des déguisements fort variés. Comme je l’explique à la fin de « Soleil définitif », l’ego spirituel est une tentation incontournable dans le processus qui consiste à s’acquitter du royaume des illusions. Ce piège est tellement subtile qu’il est impossible de le déjouer seul… par définition. Et justement, cet ego spirituel nous fait croire le contraire.
Il ne faut pas croire que l’ego spirituel ne concerne que les « pratiquants » les plus avancés. Il vise tout être humain qui commence à penser. Il est certes grossier chez le « débutant », mais il n’est pas davantage remarqué puisque le discernement du débutant n’est pas affiné non plus. En fait, comme l’explique très bien l’article qui suit (« L’ego spirituel et un Cours en miracles »), le moindre pas en direction d’une libération spirituelle entraîne une force réactionnelle proportionnelle de l’ego, non pas pour détruire cette aspiration (l’ego est plus malin que cela), mais au contraire, pour « l’accompagner »… à sa façon !
C’est comme la poussée d’Archimède qui freine notre plongée trop rapide dans les profondeurs liquide ou gît le trésor de notre être, tout en feignant de l’accepter. Il est extrêmement difficile pour le mental-ego de ne pas associer une démarche spirituelle à un sentiment de supériorité subtil envers ceux « qui ne savent pas encore ». Ce sentiment est d’autant vicieux qu’il reste souvent inconscient, pour ne pas entacher la façade irréprochable de l’ego. (la face de l’innocence dirait le Cours). Tous frères sur la scène, bien sur…Tant que nous approuvons les idées desdits frères.
La reconnaissance « sociale » qui découle (ou pas) de notre démarche spirituelle ne change rien à l’affaire. Celui qui obtient un certain succès d’estime peut être tenté de se prendre au sérieux et céder à la grosse tête, voyant ici son expression légitimée. Mais celui qui n’en obtient pas peut très bien verser dans le syndrome du « génie incompris », et son ego en subira une inflation tout aussi conséquente. Dans tous les cas, l’ego est le « grand récupérateur » de la moindre flatterie ou de la moindre critique. Il recycle tout cela en une nourriture roborative qui assoupit la lucidité de l’esprit. On voit bien que toute appréciation non neutre, qui est une forme de juge-ment, ne fait qu’engraisser l’ego spirituel.
En ce qui me concerne, je fais mon possible pour rester vigilant, discret, pour ne pas parler de mon parcours « spirituel » dans mon cercle social proche, de ne pas oublier de rire, de boire, de manger, de…etc. Je ne « dé-livre » mes « impressions » quasiment que sur ce blog, mais cet « encrage » au « quotidien » ne m’a pas empêché de commencer à tomber subrepticement dans le panneau. En fait, après avoir achevé mon livre, j’ai réalisé un peu plus qu’il n’y avait pas une fausse démarche spirituelle (genre new-âge) et une démarche authentique (genre non-dualité). En fait, il n’y a rien de vrai ici ! Toute prétention à faire de notre désir d’éveil une science systématique nous maintient un peu plus dans le sommeil, et l’ego n’aime pas entendre cela.
Et encore, approfondir sérieusement une seule voie est sans doute un moindre mal au regard de tous ceux qui « font la queue au buffet spirituel » (Cf. Gary Renard), et s’éparpillent superficiellement entre milles jouets comme un enfant sous le sapin de Noël. Mais j’ai beau me dire que la « spiritualité » a provoquée en moi un bond de conscience, je ne suis pas convaincu que les « simples » évènements de ma vie n’en aurait pas provoqué un de semblable ampleur, sur la même période, sans la moindre référence à un quelconque enseignement « homologué ». Toutefois, j’aime beaucoup cette citation zen qui affirme : « l’éveil est accidentel, mais la pratique prédispose aux accidents ».
De plus en plus, à l’instar du Cours, j’ai envie de dire que je ne sais rien. Rien d’utile pour quelqu’un d’autre que moi. Je sais rien sur ce qu’il est préférable d’apprendre ou pas, ce qu’il est mieux de faire ou de ne pas faire, ce qu’il est mieux de lire ou pas lire… « Rien de ce que je vois ne signifie quoi que ce soit » dit « l’hallucinante » première leçon du Cours en miracle. (dans « voir » il faut inclure entendre, toucher, penser, goûter…). Je « vois » dans ma vie des personnes plus « spirituelles » que moi et qui ne savent rien de ce qu’est la métaphysique ou la spiritualité. Elles ne pensent pas, mais elles agissent avec le cœur, tout simplement, alors que trop souvent je n’ose pas agir à cause de ma tête encore trop remplie de réflexions, de sentiments, de doutes. Trop vouloir comprendre la vie en profondeur induit une indécision paralysante, et un manque de spontanéité.
Mais si je dis que la gentillesse et le pardon suffisent à caractériser la « véritable » spiritualité, je retombe dans le piège de l’ego spirituel qui en profitera pour me culpabiliser à outrance tout en validant la concept duel de « bon » et « mauvais » chemin ! Pas si simple donc. Et si le piège le plus suprême de l’ego était de nous faire croire qu’un chemin spirituel nous faisait gagner du temps ? Jésus affirmait-il enseigner au nom d’une quelconque science spirituelle ou religion ? Je ne sais rien je vous dis ! Sans compter que si le script de notre vie est écrit, alors nous ne décidons rien à propos de l’engagement spirituel. Alors le mieux est peut-être de se taire, et de pardonner vraiment le monde en silence plutôt que de simuler un pardon bruyant à travers tous les supports utilisés par l’ego aussi bien que par le St-Esprit : livres, forums, blogs, vidéos, réseaux sociaux, groupes d’études… ect.
Je reconnais bien volontiers que j’ai encore bien des choses à pardonner et à lâcher dans ce monde, ce qui explique ces moments de lassitude. Je ne devrais pas en vouloir à ces « frères » qui ne répondent plus à mes mails parce qu’ils voient peut-être en moi ce qu’ils se refusent à voir en eux. Je ne devrais pas m’attrister de ne pas vendre de livres sous prétexte que le premier ado crétin sorti d’un loft télévisé vend des milliers d’ouvrages remplis de rien (c’est du second degré bien sur). Je ne devrais pas m’attrister que d’anciens frères d’études ne donnent plus de nouvelles alors que je me suis moi même éloigné d’eux… en pensant qu’ils s’éloignaient de l’intégrité du Cours… Non vraiment, tout cela est réellement sans importance, car dans mes moments de lucidité, je vois bien à quel point le plan de Dieu pour le Salut est parfait. Et le script de nos vie l'est donc aussi. Seul notre regard, encore une fois nécessite une purification par le pardon authentique.
Pour illustrer les dangers de l’ego spirituels que je viens d’évoquer ici, je vous propose de (re)lire un des articles les plus intelligents qui ait été écrit à propos du Cours en miracles. Bien sûr, il est aussi valable pour tout autre enseignement. Il n’est pas destiné à faire culpabiliser, mais simplement à rappeler cette vérité si dérangeante qui permet pourtant de rester lucide sur notre rôle dans la scène du monde : Identifiés au fils de Dieu, nous sommes absolument tout, Identifiés à l’ego, nous ne sommes littéralement rien. Il n’y a pas d’intermédiaire possible dans la véritable non-dualité.(c’est ce qui la rend aussi indigeste et impopulaire). Or, étant tous ici « incarnés », que dis-je, « incarcérés » dans le monde de l’illusion, nous sommes tous ego et tous égaux, dans notre néant et notre insignifiance. Mais de cette humble reconnaissance nous reviendra le souvenir de notre grandeur unifiée, de notre affiliation à la filialité du Christ. Comme le disais Jung : « Tant que l’on a pas tout compris, on a rien compris »…
Christalain – Mars 2011